Grâce à L’amour propre (ne le reste jamais très longtemps), que des grands avaient laissé traîner dans le salon, j'ai découvert la pornographie à onze ou douze ans. J’ai ouvert cette BD puis j’ai ouvert grand les yeux : j'ai senti qu’elle n’était pas faite pour être lue à ciel ouvert. Je suis parti aux toilettes, j'ai fermé la porte à clé et j'ai découvert la fellation, le cunni, la branlette espagnole, la levrette, la sodomie, le 69 : j'ai découvert tout ce qu'on pouvait faire sous une douche, dans une voiture ; bref, j'ai découvert toutes les choses vraiment importantes de la vie.
Martin Veyron ne le sait pas, mais il a beaucoup influencé ma vie sexuelle : il a contribué à la rendre simple et, globalement, assez heureuse. Grâce à lui, je suis tombé follement amoureux de l'amour et du sexe – for ever – et j'ai commencé à deviner que ces deux-là avaient besoin, pas besoin, besoin, pas besoin, l'un de l'autre, et qu’ils pouvaient avoir besoin, l’un et l’autre, d’un peu d’humour. Grâce à lui, j’ai attendu de rencontrer le sexe des femmes en vrai, leur âme en vrai, sans peur et sans certitudes, avec juste un peu d’impatience. Grâce à lui, je n'ai pas attendu le hashtag BalanceTonPorc pour découvrir que les femmes n'étaient pas des sacs de viande, qu'elles aimaient certaines choses, pas d'autres, qu'elles étaient un peu comme les hommes en somme ; avec un sexe très différent.
Grâce à lui, à cause de lui, j’abuse actuellement un peu du mot grâce : c’est probablement parce que ce mot lui va bien.
Mes copines ne le savent pas, mais elles doivent une fière chandelle à Martin Veyron. Sans lui, j'aurais probablement été pire.
Je ne reproche qu'une chose à cet albatros et à sa BD merveilleuse : à cause d’eux, j'ai cru que la pornographie, c'était ça. J'ai déchanté par la suite, quand j'ai compris que j'avais commencé par le meilleur. Toujours est-il que dans quatre ans, ma fille aura dix ans et je laisserai peut-être trainer L’amour propre dans le salon. Est-ce qu’elle ira la feuilleter aux toilettes ? Est-ce que ça lui plaira ?
Qu’est-ce que j’en sais ?!
Après tout, c’est une femme et Martin Veyron m’a prévenu : si on veut s’épargner des difficultés, il vaut mieux éviter de parler pour une femme, ou pire, pour les femmes. Le plus prudent avec une femme, avec chaque femme, c’est peut-être de la laisser parler.