Guy est un film avec des acteurs. C’est déjà pas mal. En plus, il y a un scénario, un chef opérateur, un ingé son, une régie, une production - j’en oublie - c’est très complet comme film. Et vous j'sais pas, mais moi, j’avoue, j’ai jamais réussi à faire une chose pareille. C’est pour ça : ça m’impressionne toujours un peu.
Moi, j’ai seulement réussi à faire un film de 1 minute et 29 secondes, il y a sept ans, sur des cuisses de poulet sous cellophane : c’était une sorte de documentaire animalier. Des copains et des copines l’ont trouvé très rigolo, mais il est jamais sorti en salle. Ça s’appelait Les Animaux morts depuis très très longtemps : c’était un film coup de poing (*).
Guy, rien à voir. Ça ne parle pas de cuisses de poulet sous cellophane et c’est pas très coup de poing. Ça parle de beaucoup de choses très graves avec beaucoup de légèreté : si je travaillais pour le Larousse illustré, je m'en servirais pour illustrer le mot « miracle ».
Quand j’ai demandé à une amie, programmatrice adjointe dans un cinéma de la banlieue parisienne : « Guy, tu penses pas que c’est mieux que Citizen Kane ? », elle a fait des yeux ronds et m’a répondu : « Ben je reconnais que je m’attendais pas à ça ».
Quand j’ai demandé à un ami qui sort avec une Italienne s’il avait vu Guy, il m’a répondu : « Je l’ai vu avec Diana et, au début, elle m’a dit « on sort !, il est insoupportable ce Guy », et quand je lui ai expliqué que c’était un acteur, que Guy n’existait pas pour de vrai, elle m’a dit : c’est oune génie ».
Ce sont des arguments ça ?
Je vous parle de ce film alors que, dans le fond, j’aimerais le garder rien que pour moi ; je vais pas en plus chercher des arguments pour vous convaincre. D'ailleurs, dans convaincre, il y a vaincre, et beurk, je préfère encore perdre.
(*) Succès oblige, j'avais prévu de tourner Les Animaux morts depuis très très longtemps 2. Ce devait être un film d'un 1 minute et 42 secondes sur un poisson pané et puis...