Deux thématiques qui ne s'étaient pas encore croisées, dans mes lectures : la fin du monde et l'adolescence, qui est la fin d'un monde en soi également. Ça donne un cocktail parfois savoureux, souvent doux-amer, dans lequel une ado de 13 ans se lance à corps perdu dans ce qu'elle croit être la vie. Dans le genre "tout fout le camp, ma bonne dame", le monde de Magda ne fait pas dans le détail : les scientifiques donnent unanimement un an de vie à la Terre, sans qu'on sache pourquoi, le père de Magda en profite pour aller filer le parfait amour avec une inconnue au bataillon, la mère de Magda démissionne provisoirement de son rôle de mère (quand elle voudra s'y remettre, il sera trop tard), les profs désertent les collèges, plus personne ne va bosser ou presque, et les jeunes se retrouvent à l'abandon, en meutes éparses. Et on sait combien la vie du jeune épars est constructive. Je ne dis rien de la fin, c'est elle qui fait tout le sel de cette histoire qui ressemble à une dérive - d'où un petit manque de peps - mais je retiens de cette lecture un aspect assez inhabituel en BD : l'écriture féminine de l'histoire. L'Apocalypse est là, tapie au fond des cœurs, sans qu'aucun immeuble ne s'effondre, sans course de bagnoles, sans aucune violence - pas d'émeutes, pas de pillages, pas de chauffards en blouson de cuir à tronche patibulaire, pas le moindre viol, rien - mais une déshérence qui rappelle beaucoup celle de notre monde aux lendemains pourtant radieux... C'est tout l'intérêt de cette histoire discrète et subtil, où la puberté occupe plus de place que la disparition de la nourriture dans les magasins. Du coup, c'est un peu difficile d'apprécier l'ouvrage dans l'absolu, on manque de références. Comme le monde de la BD manque de femmes auteures. Il reste des voies narratives à inventer, donc, et c'est assez exaltant.