Avec L'Apocalypse selon Saint Jacky (2011), deuxième tome de la série Blast, Manu Larcenet poursuit son exploration brutale et poétique des abysses humains. Cet opus, à la fois dense et déroutant, approfondit la descente aux enfers de Polza Mancini, un protagoniste aussi fascinant que troublant. Accrochez-vous : ce n’est pas une promenade champêtre, sauf si votre idée du champêtre inclut des paysages mentaux dévastés.
L’histoire continue de naviguer entre le présent – où Polza est interrogé sur son implication dans un crime mystérieux – et le passé, où il erre dans une quête de transcendance et de fuite. Ce deuxième tome explore davantage les "blasts", ces moments d’extase hallucinatoire qui ponctuent la vie chaotique de Polza. Mais à chaque vision sublime s’oppose une réalité d’une dureté implacable.
Polza, anti-héros par excellence, est toujours aussi insaisissable. Son introspection intense, son rapport ambigu à la société, et son obsession pour ces expériences quasi mystiques en font un personnage qui dérange autant qu’il intrigue. Sa trajectoire, bien que marquée par des actes douteux, est empreinte d’une humanité brute qui force à la réflexion.
Visuellement, Larcenet frappe fort. Son utilisation du noir et blanc atteint une puissance narrative rare, alternant entre des paysages mentaux grandioses et des scènes de quotidien oppressantes. Les explosions graphiques qui illustrent les blasts sont d’une beauté troublante, contrastant avec la simplicité austère du reste de l’album. Chaque page semble peser son poids en émotion et en intensité.
Narrativement, L'Apocalypse selon Saint Jacky creuse plus profondément dans le mystère qui entoure Polza. Les révélations sur son passé sont distillées avec parcimonie, maintenant une tension constante. Mais ce tome prend aussi son temps, au risque de frustrer certains lecteurs en quête de réponses immédiates. C’est une œuvre qui demande patience et attention, récompensant ceux qui acceptent de s’y perdre.
L’humour, bien que rare, reste présent dans des touches d’ironie noire ou des détails incongrus qui allègent (un peu) l’atmosphère. Mais ne vous y trompez pas : cet album n’est pas là pour vous faire sourire. C’est une exploration sans concession de la douleur, de la solitude, et des limites de l’âme humaine.
Cependant, le rythme lent et l’absence d’une véritable résolution peuvent laisser certains lecteurs sur leur faim. Larcenet joue avec les attentes, préférant se concentrer sur l’ambiance et les personnages plutôt que sur une intrigue traditionnelle. Cela donne une œuvre immersive mais exigeante, qui ne conviendra pas à ceux cherchant une narration plus linéaire.
En résumé, L'Apocalypse selon Saint Jacky est un voyage captivant et dérangeant dans l’univers de Polza Mancini. Avec son esthétique saisissante, sa profondeur émotionnelle, et son refus de suivre les conventions, cet album confirme le génie de Larcenet tout en restant une expérience exigeante. Un chapitre où l’apocalypse n’est pas dans les cieux, mais dans les cœurs… et où chaque page est une claque qui vous laisse à réfléchir.