Au suicide de son père, à 90 ans, le scénariste a commencé à se pencher sur l’existence exemplaire de ce jeune homme issu de l’Espagne rurale et intransigeante de l’avant guerre civile, engagé dans la révolution de la République de 31, défait, exilé, emprisonné, sauvé, repris, séduit, balloté, utilisé, dépouillé, trompé, délaissé et anéanti par l’âge finalement. Une plongée nostalgique et cruelle au cœur d’une vie pour découvrir ce que ce destin hors du commun avait pourtant d’universel. L’histoire d’un homme pris dans les tempêtes de l’histoire et les aveuglements de notre espèce, ayant frôlé la rédemption maintes fois mais toujours si lourdement retombé, dans un monde sans miséricorde où chacun se contente de tirer fébrilement la couverture à soi, parce que personne ne lui tendra jamais une main charitable. Une vision d’un noir désespérant, malgré quelques belles étincelles, toutes fugaces, qui ne desserre son étau qu’à la dernière minute, même si on pourrait être tenté de voir là une dernière défaite. Au final, donc, un de ces récits marquants et sombres comme la BD sait les construire, mené d’un trait décidé et parfois faussement ingénu, dans un noir et blanc souvent tragique, dont on ne ressort pas vraiment indemne. Hautement recommandable, donc. On ne sait jamais, sa noirceur pourrait peut-être contribuer à persuader les gens d’être un peu meilleurs les uns envers les autres. Ou la France d’être plus tendre avec ses réfugiés. Je rêve tout haut, pardon.