Marvel c'est le bien, Panini un peu moins
Second tome de la collection des Incontournables Spider-Man, Panini prend le risque de nous offrir la saga "Tourment" qui fait suite à "La Dernière Chasse de Kraven" ... Une saga qui sera, elle, publiée dans le tome 3 ... Autant dire que c'est prendre un risque gigantesque que de raconter l'après avant l'avant ... Certes, Georges Lucas a plutôt bien géré cela, mais là c'est dangereux. Personnellement je vois ici une erreur dans l'édition et non dans l'écriture.
Ce tome contient donc les 5 premiers numéros de la série Spider-man paru durant le second semestre 1990, avec Todd McFarlane au scénario et au dessin. Qu'on se le dise : c'est lui le patron ! Il contient également le numéros 10 de Spectacular Spider-man Annual. Un numéros sur lequel je passerais vite puisqu'on parle un peu ici du Rodeur, de son rapport avec son frère et avec Silver Sable ... Bref, aucun rapport avec l'arc Tourment ... Mais alors vraiment AUCUN ! Certes, c'est toujours sympa d'avoir du contenu bonus, mais avec un minimum de rapport, ça serait pas mal. Je ne juge cependant pas ceci non plus, mais on peut quand même ce dire que jusque là en terme d'édition Panini se fout de notre gueule et compte se rattraper uniquement avec la qualité de l'histoire (ce qui n'est donc pas le travail de cette boite même).
En terme de qualité, on est servi ! McFarlane a finit par prendre les commandes de son cher Spider-Man et son style est arrivé à son paroxysme. En terme de dessin ou d'écriture, nous avons du grand et beau McFarlane. Certes, le scénario manque d'utilité pour la suite et se suffit à lui-même, mais en même temps pour une fois, McFarlane n'a pas envie d'écrire quelque chose sur le long terme, il veut faire une histoire simple. Une soirée où Spider-Man va voir la mort de près. Ceci afin de mettre en avant que lui-aussi, malgré ce qu'il prétend, il peut mourir à chaque moment ... Le thème de la mort est omniprésente. Le but n'est pas de créer quelque chose, quand bien même on inventerait une nouvelle sorcière/shamane amoureuse du défunt Kraven. Non, ici McFarlane veut créer du psychologique, amener une atmosphère. Faire sentir à Peter, à Mary-Jane et aux lecteurs que oui, la mort peut survenir n'importe quand, qu'il existe encore de la tension, du risque.
Spider-man ne combat pas dans ce tome, il survit. Il tente de survivre face au poison, face aux hallucinations. Et cette thématique de la survie est encore plus forte quand on voit qu'un accident anodin peut arriver à n'importe quand. Spider-man peut mourir au combat, mais Mary-Jane peut, elle, mourir dans un accident de voiture. Rien n'est certain, rien n'est stable. La douceur du foyer est quelque chose que les protagonistes vont chercher à retrouver, uniquement pour se rassurer, pour se protéger et sans chercher à comprendre ce qui leur est tombé dessus.
Clairement, avoir édité cela avant La Dernière Chasse de Kraven, c'est une erreur majeure ! Toute une scène fait référence à cette histoire, montrant que l'Araignée ne s'est pas encore remis psychologiquement de sa prétendue mort ... On voit aussi que face à une histoire où le Tisseur ne "pouvait" mourir réellement et où les thématiques mystiques étaient fortes, avec des raisons, etc ... L'idée d'une mort sans compréhension, sans raison, d'une mort soudaine, inattendue et inévitable effraie plus que jamais. Oui, McFarlane écrit Tourment en opposition direct à La Dernière Chasse de Kraven.
On a donc ici des thématiques chères à McFarlane : lié le super-héroïque et le quotidien avec la facilité qu'on a à mourir. L'incertitude se fait ici plus forte. McFarlane veut du combat, des monstres assoiffés de sang, mais non pas pour créer des affrontements titanesques, non, pour montrer l'implacable mort, pour amener de la peur. Que ça soit sa narration, son scénario ou son dessin, tout fonctionne. Une ambiance intimiste et un rythme haletant qui rappellent aussi La Dernière Chasse de Kraven. C'est une Némésis vous dis-je !
Pourtant, il y a bien quelques faiblesses qu'on ne peut nier. Des faiblesses liés à ce désir de rapidité, de volonté brute, de puissance. Un côté un peu brouillon peut parfois en sortir. De plus, on peut regretter d'avoir l'impression qu'il n'y a pas de back-ground, rien derrière, c'est de la violence basique, du danger sans raison profonde. Finalement, là où La Dernière Chasse institue une ambiance liée au personnage, ici, en déshumanisant totalement Connors et en créant une nouvelle adversaire, McFarlane ne crée pas un fond suffisant pour que le lecteur ait l'impression de voir une histoire fondatrice dans Spider-man. C'est d'avantage une saga de plaisir, qui se suffit à elle-même et qui est faite pour faire plaisir au lecteur et à l'auteur.
Ce manque de profondeur, de puissance est ce qui empêche finalement McFarlane de créer aussi bien que le récit qu'il essaie de combattre/restituer dans cette histoire.
Malgré tout, ça reste un très très bon moment !