Métro-boulot-dodo. L’éternelle rengaine. Dans les journaux, tueries, guerres et épidémies côtoient les publicités et les mannequins posant pour de grandes marques. Un homme, la quarantaine, marié et père de deux enfants, semble s’être accommodé de cette vie rangée - jusqu’au jour où, attiré par la mer, il sort de la foule et part en quête d’un monde nouveau et, semble-t-il, d’un autre moyen d’atteindre le bonheur. Le bateau sur lequel il embarque, pris dans une tempête, sombre au large d’une terre inconnue, sur laquelle le héros, seul rescapé, est recueilli par une communauté à la fois chaleureuse et inquiétante, qui n'est pas sans rappeler le Village de la série Le Prisonnier (d'où le titre de cette critique). Il quittera finalement ce groupe au bonheur robotisé pour un troisième et dernier tableau, une vie de sauvage au milieu de la jungle.
Il pourrait évidemment s'appeler Christopher McCandless, ou Knulp, ou Santiago, ou Winston Smith. Mais de cet homme, on ignore tout - ou presque.
Car aucune parole n’est prononcée dans cette bande-dessinée de 220 pages. Si l’intention est donc parfois assez difficile à déchiffrer, Grégory Mardon a produit tout de même un impressionnant travail de dessin et un superbe jeu de couleurs. La prouesse graphique du dessinateur a également le mérite de ralentir une lecture que l’absence de texte tendait à accélérer, et dépeint avec force notre société actuelle, nos réflexions et désirs, à travers la constante fuite en avant d’un homme en quête de l’inatteignable.