Après le cuisant échec de leur règne sur la Lombardie-Vénétie, Maximilien d’Autriche et Charlotte de Belgique veulent se refaire une santé de l’autre côté de l’océan. C’est donc pleins d’espoir que l’archiduc autrichien et la princesse belge débarquent dans le port de Veracruz. L’heure de la gloire aurait-elle enfin sonné? A mille lieues de leurs déconvenues sur le sol européen, ils s’apprêtent à être sacrés empereur et impératrice du Mexique, avec la bénédiction de Napoléon III. Du coup, le couple débarque sur le sol mexicain de façon très théâtrale. Dès sa descente du bateau, le vaniteux archiduc met un genou au sol et fait glisser le sable entre ses doigts, comme Christophe Colomb en son temps. Escortés par une centaine de soldats à cheval, Maximilien et Charlotte montent ensuite dans le lourd carrosse impérial tout en dorures qu’ils ont ramené d’Europe, puis embarquent dans un wagon luxueux, afin de se rendre jusqu’à la capitale. Mais en réalité, le train ne les emmène pas jusqu’à Mexico, car la voie ferrée s’arrête à Doblada, une ville poussiéreuse où ils sont accueillis par des paysans et des loqueteux dans une chaleur étouffante. Progressivement, l’archiduc et la princesse découvrent qu’ils se retrouvent à la tête d’un pays exsangue, où règnent la misère et la guerre, tandis que les troupes françaises ont beaucoup de mal à mater l’opposition locale. Dès leurs premières heures dans ce pays en guérilla permanente, Maximilien et Charlotte basculent de l’euphorie vers la peur. Sur le chemin vers Mexico, ils croient même leur dernière heure venue. "Est-ce déjà la fin?", se demande Maximilien, en voyant des milliers de Mexicains affluer vers lui. Mais à sa grande surprise, ces gens sont là pour l’acclamer… Cela dit, l’état de grâce ne dure pas bien longtemps, car Maximilien ne tarde pas à se mettre à dos tous ceux qui comptent dans son nouveau pays, à commencer par le clergé et l’armée. Décevant comme toujours, Maximilien part ensuite se réfugier dans un palais loin de la capitale, en laissant les commandes du pays à la pauvre Charlotte… Grâce à l’appui de son conseiller Félix Eloin, qu’elle désire secrètement, celle-ci surprend tout le monde en se révélant bien meilleure dirigeante que son mari.
Il y a deux ans, la sortie du premier épisode de "Charlotte impératrice" avait été un véritable ravissement. On attendait donc la suite avec une énorme impatience. Mais aussi avec une certaine appréhension: le deuxième tome allait-il être à la hauteur du premier? Heureusement, Fabien Nury et Matthieu Bonhomme se montrent très inspirés. Le nouvel épisode, intitulé "L’Empire", est à nouveau un modèle d’efficacité dans la narration et d’élégance dans le dessin. C’est beau, c’est romanesque, c’est intelligent, c’est cruel… Chaque mot, chaque case, chaque angle de cette BD est soigneusement réfléchi par Fabien Nury, tandis que les planches de Matthieu Bonhomme sont un véritable régal pour les yeux. En réalité, cette bande dessinée fait un peu penser à "The Crown" sur Netflix. Les deux séries sont basées sur des éléments historiques tout à fait véridiques, mais au lieu d’opter pour un cours d’histoire poussiéreux et sans grand intérêt, elles parviennent à transformer cette matière première un peu aride en une saga passionnante truffée d’intrigues et de rebondissements. Du coup, les versions fictives d’Elisabeth II d’Angleterre et de Charlotte de Belgique deviennent des personnages romanesques captivants, pour lesquels on ressent une véritable sympathie, voire même de l’admiration, ce qui n’est pas forcément le cas pour les vraies Elisabeth et Charlotte. C’est pour toutes ces raisons que "Charlotte impératrice" plaira forcément aux amateurs d’Histoire et de politique, mais aussi à ceux qui n’y connaissent absolument rien. Pour aimer cette série, il suffit de se laisser porter par la puissance des mots et des images. Avec "Charlotte impératrice", Fabien Nury et Matthieu Bonhomme enfoncent le clou: oui, ils sont bel et bien deux des auteurs de BD les plus talentueux de leur génération. Et il y a fort à parier que leur étonnante saga sur Charlotte de Belgique ne tardera pas à faire partie des classiques du neuvième art.
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