Je ressens en lisant ce livre la même sensation que lorsque je regarde les vieux albums de famille de mes grands-parents. Ce monde des années 1950, où le cadre matériel simple, dépouillé par rapport à notre environnement sursaturé de signes, permettait l'épanouissement d'une véritable vie spirituelle (et pas forcément religieuse).
Emmanuel Guibert, qui retranscrit les souvenirs d'enfance d'un vieil Américain avec qui il avait sympathisé, se sert de vieille photos qu'il retravaille et extrapole à partir des récits d'Alan Cope ses souvenirs. Du coup, les décors sont soit d'après photo, soit inexistants (souvent le personnage gravite dans une case blanche suggestive).
Les souvenirs d'Alan Cope n'ont rien d'exceptionnels, ce sont des souvenirs de gamin qui assiste aux repas de famille, qui va au cinéma pour la première fois, qui fait du patin dans son quartier, construis des oiseaux avec des gousses de camphrier... Ce qui me touche le plus, ce sont les notations sur la Californie des années 1920-1930, celle de Steinbeck, avant l'arrivée du smog : l'odeur de citronnier en arrivant à Santa Barbara, où l'odeur de la mer en passant de Santa Monica à Los Angeles.
C'est très bien, c'est émouvant, c'est un plaidoyer pour une vie plus authentique, mais c'est un peu statique. J'aimerais que Guibert cesse de se réfugier derrière les souvenirs des autres et se remette à de la fiction, comme dans son très bon "La fille du professeur".