En découvrant l’Enorme Enquête sur l’étagère des mises en avant de ma bibliothèque municipale, j’aurais mis ma main au feu qu’il s’agissait d’une BD signée – sous pseudonyme – par Fabcaro, l'un de mes dessinateurs préférés. Avant même d’ouvrir l’ouvrage, la couverture autant que la bulle de 4e de couv’ : tout criait Fabrice Caro. Le trait du dessin épuré en noir et blanc, le graphisme des personnages, l’humour au ton délicieusement absurde.
J’ai donc effectué quelques recherches et il semble – j’en suis surpris – que nos auteurs Lorrain Oiseau au scénario et Yann Rambaud au dessin soient bien de vraies personnes en chair et en os. Du coup, l’Enorme Enquête me questionne sur la fine limite entre inspiration, pastiche, imitation et bon vieux copiage. En effet, impossible de ne pas penser à Moon river dans le déroulé de l’enquête, et certains gags de Zaï Zaï Zaï Zaï sont repris ici quasiment tels quels.
Pour autant, quel plaisir de lecture ! Voilà un polar aux situations abracadabrantes et aux dialogues délicieusement absurdes. Commissaire et Inspecteur, nos deux protagonistes principaux, enquêtent sur la mort suspecte d’un garde forestier, retrouvé en pleine rue, un couteau dans la poitrine. Mais est-ce vraiment l'arme du crime ?
— Le meurtrier a recouvert de goudron le corps de la victime... — Quelle horreur... — Puis il a dessiné une ligne blanche dessus, et posé un chewing-gum déjà mâché sur son cadavre, ainsi qu'un mégot de cigarette... Je n'ai tout simplement pas les mots... — Hmmm. C'est la route ça. Le cadavre est juste à côté ! — Oh...
Avec des dialogues de ce type, le ton comique est lancé d’emblée. Et il faut bien avouer que ce petit volume (on le lit facilement en 30 minutes) n’est pas du tout avare en bons mots et gags drôles et illogiques. On y croisera un dealer d’Apéricubes, un agent du FBI loufoque, un témoin qui aime à se faire appeler « Le Tueur », et un mystérieux médicament au nom imprononçable.
Certains y voient un humour des Nuls, et c’est vrai que l’Enorme Enquête aurait plu à la bande. Aujourd’hui, ce genre d’humour peut parfois se retrouver dans le cinéma de Quentin Dupieux.
L’Enorme Enquête est une très bonne découverte pour ce début d'année 2024. On pourra lui reprocher une intrigue qui part dans tous les sens, mais c’est je crois justement tout l’intérêt du projet. La promesse d’un récit totalement déjanté est tenue de bout en bout. Jusqu’à la dernière page, parce qu’il en fallait une 64ème.