S’il y a bien une série de BD franco-belge qui ne souffre pas de sa longévité, c’est bien Jérôme Bloche. Il a beau avoir 24 albums à son actif, le détective n’a pas pris une ride, dans tous les sens du terme. Surtout qu’on ne peut pas dire que jongler constamment entre le tragique et le comique soit l’exercice le plus facile, bien au contraire. Pourtant, le dernier-né de cette série, « L’Ermite » sorti en août dernier y arrive avec brio.


Scénario : Pour bien comprendre la démarche d’Alain Dodier avec cet album, il est d’ailleurs intéressent de savoir qu’il voulait au départ en faire un one-shot en marge de sa série, qu’il alimente depuis près de trente ans avec une régularité exemplaire (voir interview de lui dans le journal de Spirou numéro 3970 à 3972). Mais ne voulant pas abandonner son détective pour si peu, il a décidé d’intégrer son histoire dans une aventure de Bloche. Du coup, le récit se développe en deux temps parallèles, les flash-back en planches de cinq bandes où l’on suit une famille tenant un garage à la campagne et les séquences du présent mettant en scène Bloche. Les deux récits ayant bien entendu un lien plus important qu’au premier abord.


Dessin : Dans la continuité de ses précédents albums, Dodier manipule son trait semi-réaliste avec une certaine maîtrise, comme à son habitude. Les décors de montagnes sont d’ailleurs superbes, mis en lumière par des couleurs classique et efficace, parfois même un peu trop. De ce côté-là, la coloriste Cerise a en tout cas bien réussit à différencier les flash-backs des autres moments du récit, en y appliquant des couleurs plus ternes et indéniablement réussites.


Pour : La force de cet album donc, c’est de gérer le tragique dans les scènes de flash-backs et le comique avec Jérôme sans perdre en fluidité. Car ce qui arrive au garçon dans ce village bientôt englouti par les flots nous touche réellement, tandis qu’on est toujours content de retrouver Bloche et sa maladresse.


Contre : Paradoxalement, c’est aussi la faiblesse du récit. Car si le livre est très agréable à lire, le contraste de ton entre les deux époques est peut-être un peu trop grand, et l’attitude de Babette face à la tournure des évènements gonfle un peu. Pour mieux profiter de l’excellente narration de Dodier, il est donc conseillé de relire l’album une seconde fois, en lisant les deux récits l’un après l’autre.


Pour conclure : Bon nombre d’auteurs à commencer par les plus grands comme Hergé, Morris, Schulz ou Bill Watterson se sont souvent cantonné à une seule série, ou presque. Mais comment le leur reprocher quand ils arrivent à se renouveler constamment, et à ne jamais entrer dans une routine qui rendrait la lecture de leurs albums ennuyeux ? Dodier animera probablement Jérôme Bloche jusqu’à la fin de sa carrière, et ce n’est finalement pas plus mal.

Marius_Jouanny
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le 27 sept. 2014

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