Le départ soudain du scénariste cultissime Van Hamme de la série culte Largo Winch avait de quoi donner des sueurs froides, et la première question qui se pose en refermant l'Etoile du Matin est, logiquement : alors, Eric Giacometti, il fait le boulot ?
Eh bien, la réponse sera mitigée : d'un côté, Giacometti respecte le cahier des charges de la série et nous propose une nième version de l'habituelle conspiration contre le play-boy milliardaire et aventurier (bâillements...), qui ne dépaysera vraiment personne... L'intérêt relatif du livre réside plutôt dans la modernisation pertinente du "contexte", puisque l’Etoile du Matin décrit un univers encore plus effrayant où la technologie rend le monde des finances toujours plus abstrait et, par conséquence, plus dangereux pour l’équilibre planétaire : bien vu !
Par contre, Giacometti prolonge la trajectoire entreprise par Van Hamme ces dernières années, avec un Largo Winch qui tente chaque fois plus de se racheter une conscience sociale… en défaisant cette fois le montage financier de sa holding pour, a priori, commencer à payer des impôts !! Bref, on nage en pleine féerie bienpensante, et ce parti pris improbable (qui a dit « ridicule » ?) tue dans l’œuf toute crédibilité...
L'autre gros problème de l’album, c'est un manque tragique de consistance, de substance, des personnages, qui ne paraissent tous que l'ombre de ce qu'ils étaient : cette faiblesse a été d’ailleurs pointée par un Van Hamme a priori rendu assez amer par l'évolution de son univers... Cette fadeur générale déteint forcément sur l'histoire, qui a bien du mal à nous passionner, malgré l’alternance entre scènes d’action – à travers le globe – et discussions plus statiques.
Bon, notons tout de même un effort louable de la part de Philippe Francq sur le graphisme et surtout sur les couleurs, qui rend l'album plaisant, en tout cas au-dessus des précédents de la série esthétiquement. Il en faudra quand même plus pour nous convaincre, et le second tome de ce nouveau diptyque sera donc essentiel pour décider s'il vaut mieux abandonner là une série dont l'heure de gloire est passée depuis un moment. [Critique écrite en 2017]