Les tourments de l'artiste aux prises avec le doute - ou la panne d'inspiration - est un sujet délicat : d'un côté, on a vu quelques grandes œuvres se nourrissant de la souffrance et de l'imagination en roue libre de leur créateur (au cinéma, "8 1/2" ou "Barton Fink" viennent immédiatement à l'esprit...), de l'autre, une invraisemblable liste de livres, de films,... et de BDs auto-complaisants, qui, à trop parler de leur auteur, finissent par ne plus parler à personne d'autre.
Evidemment, l'arme fatale de Manu Larcenet, qui fut il y a pas mal de temps déjà l'un de nos auteurs les plus drôles, c'est l'auto-dérision, frôlant souvent l'absurde, puis venant se vautrer avec générosité dans une franche débilité, ma foi bien sympathique... ce qui évite à ce premier tome d'une nouvelle série, "Thérapie de Groupe", de provoquer chez le lecteur l'irritation habituelle ressentie devant un apitoiement excessif du "pauvre artiste" sur ses propres malheurs.
Bien sûr, tout fidèle de son oeuvre protéiforme et régulièrement déroutante, avec les coups d'éclats assez "segmentants" qu'on pu être "Blast" ou "le Rapport Broderick", soupçonnait depuis un moment un mal-être croissant chez Larcenet, et la lecture de ce qui ressemble avant tout à une tentative d'auto-thérapie ne ménagera guère de surprises. Après tout, "le Retour à la Terre" arpentait, avec juste un peu moins de noirceur, le même terrain auto-biographique, oscillant entre dérisoire et apocalyptique... Ce qui fait que le plus grand intérêt de "l'Etoile qui Danse" s'avère être le travail formel original, souvent audacieux, livré cette fois par Larcenet : une fragmentation de la narration avec des changements déstabilisants de rythme et de ton, des parenthèses étranges (peut-on y voir un hommage à Fab Caro ?), mais surtout un recours presque psychédélique à la couleur, qui atteint parfois à une véritable splendeur... tranchant donc avec le remarquable usage du Noir et Blanc de ses précédents livres.
Ce qui fait que, en refermant le livre, si l'on en a guère plus appris sur le phénomène - sans doute incompréhensible - de la création artistique, on aura au moins bien ri, et on en aura pris "plein les mirettes". Et on aura donc pour le coup renouvelé notre admiration pour un artiste qui, en panne d'idées ou pas, dans l'auto-fiction ou dans l'illustration des œuvres d'autrui, vraiment dépressif ou s'amusant sans honte de ses propres "combats ordinaires", n'hésite pas, en tous cas, à se mettre en péril en "allant voir ailleurs s'il n'y est pas". Et ça, c'est réellement précieux.
[Critique écrite en 2020]
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