"Chouette !" s'exclamera le lecteur peu prudent (ou "morbleu !", ou "bath !", ou "trop bon !", ou "z'y va !", suivant le nombre de dizaines affichées à son compteur), en apercevant le nom de Gaiman au détour d'un étal de librairie, sur un coin de couverture rangé côté comics. Il faut dire que ces deux syllabes valent des trouzaines de garanties. Gaiman sur une couverture, c'est presque un pacte, en fait, genre un pacte de lecture, mais avec des flonflons occultes pour égayer. Partant de là, à quoi bon ouvrir le machin ? On aperçoit même une sorte de vampire qui flapflape de la cape en mode Christopher Lee : quiconque ne s'en contenterait pas aurait des exigences confinant à la cuistrerie.
Sauf que voilà, comme dans ces vieilles histoires que grand pépé vous raconte quand vos géniteurs ont le dos tourné, le charme se rompt dès qu'on ouvre le bouquin. Dès les premières images, la déconfiture passe par toutes les saveurs du verger : l'aigreur de la pomme verte, l'acidité du citron frais, l'amertume de la mandarine...
Nul besoin d'en tartiner davantage, ça finirait par nous peser sur la patate. Après avoir (maladroitement) filé les métaphores fruitières, je serais tenté d'embrayer sur les légumes de nos jardins et nous y passerions la nuit, au risque de rentrer en citrouille.
Oui, bon, Ok, j'arrête.
Et pour rimer un peu, je vous le dis tout net : l'adaptation n'apporte rien.
Mais alors rien de rien.
J'ai tout à regretter. Ou 20 euros, au moins.
Trop littérale, elle suit à la lettre (ou, a minima, au paragraphe) une oeuvre originelle destinée à un public jeune dont (ça me peine de vous l'apprendre mais c'est comme ça, on n'y peut rien) ni vous ni moi ne faisons plus partie depuis deux ou trois bails.
Oh ça, on va pas pinailler, le dessin fait son taf, y'a pas à tortiller, mais il enlève plus qu'il n'ajoute, et les pavés de textes alignés en rangs d'oignons rendent la narration laborieuse.
D'accord, c'est du Gaiman. Là, vous marquez un point. Mais ce n'est pas du Gaiman écrit sur mesure, pas du Gaiman pensé pour la bande dessinée, pas du Gaiman destiné aux adultes, même aux Peter Pan dégarnis sur le retour. En conséquence de quoi, ben... force est de constater que ça ne fonctionne pas. Au point qu'on en arrive à s'agacer de trouvailles Gaimanesques qui sentent le réchauffé, alors même que l'auteur manque de tomber (de peu) dans l'auto-caricature.
Au bout du compte, ce tome 1 n'est qu'un roman jeunesse illustré, auquel il manque des bouts.
On a déjà rêvé argent mieux employé.