L’Habitant de l’infini débute par une simple histoire de vengeance, mais se transforme très rapidement en une intrigue passionnante où se mélangent de nombreux destins et personnages récurrents (ou non), avec des conflits d’intérêts naissants ou bien prédestinés, et des objectifs se confrontant ou se rejoignant. Ces destins se croisant vont parfois faire prendre des tournants totalement inattendus à l'histoire. J'ai par exemple adoré la série de chapitres intitulée "Corps recomposés", traitant de l'étude de l'immortalité, avec une atmosphère glaçante et pesante prenant à revers le lecteur.


Notre habitant, Manji l’immortel, le tueur d’une centaine, n’est en plus pas forcément le protagoniste le plus intéressant de l’œuvre, même s’il présente une certaine classe qu’on ne peut qu’admirer. Je veux dire par là qu’il se retrouve cerné par cette flaupé de personnalités plus intrigantes les unes que les autres, passant par conséquent au second plan à différentes reprises. Vous l’avez compris, la gamme de personnages présentée ici est extrêmement variée et travaillée, allant de visages charismatiques et sensuels, à totalement détestables, sadiques, et repoussants.


De plus, les modes de pensée, de vie, et les différentes réglementations de l’époque Edo sont retranscrits à merveille, avec des décors et paysages surréels. On se retrouve totalement plongés dans ce pan de l’Histoire nippone.


Coté dessin, le brillant Hiroaki Samura alterne différents aspects. Brouillon, crayonné, très détaillé, et allant jusqu’aux illustrations de chapitre d’un photo-réalisme saisissant, réalisées simplement au crayon.
La mise en scène, elle, allant du plan large, voire très large, à des plans bien plus serrés, usant de perspectives des plus vertigineuse, farfelues, aux plus écrasantes, en passant par des doubles pages renversantes qui ne cessent de surprendre, est incroyable et happe le lecteur à la page. Le détail apporté aux mains et aux pieds, communicant ici les émotions aussi fortement que les visages, apporte par surcroît une saveur toute particulière et appréciable.
Un point négatif cependant que l’auteur reconnait lui-même, on a parfois du mal à reconnaître quelques personnages féminins, étant très ressemblants pour certains.


Et qui dit manga de samouraïs, dit combats. Le déroulé de ces affrontements est redoutable d’efficacité, avec des enchainements et chorégraphies d’une fluidité limpide (même si certains, notamment au début, peuvent paraître un peu plus brouillons) donnant par moment une réelle impression de storyboard de film. Ces derniers sont d’ailleurs complètements fous dans la dernière partie. Pour revenir à ceux du début, on peut tout de même relever des illustrations "d’exécutions" impressionnantes. Originales, poétiques, et d’une violence absolue.


Concernant la violence justement, crue et dure, elle se trouve être physique mais aussi à plus d’un aspect psychologique, alliée régulièrement à une philosophie et une beauté paradoxales. En effet, malgré le caractère pouvant être dérangeant de certaines scènes, il est parfois difficile de ne pas ressentir des sentiments contradictoires.


Parmi les nombreuses thématiques que je n’évoquerai pas toutes, on retrouve de forts liens avec les écrits de Miyamoto Musashi dans le Traité des cinq roues, qui a d'ailleurs précédé de très peu l’époque où se déroule l’histoire, ce qui est intéressant à noter. Par exemple lorsque l'un des antagonistes principaux, Anotsu Kagehisa, évoque les prétendues techniques secrètes des écoles, et que la voie devrait être l’unique volonté de vaincre, ce que poursuit le Ittôryû. Par ailleurs, prouvant que ce n’est pas que hasard, il l’évoque lui-même pour donner l’exemple de son usage des deux sabres.


Je dirai en conclusion, qu’on peut dire que d’une certaine manière on se retrouve parfois à mi-chemin entre un Berserk ou un Vagabond, pour citer ces deux titres qui attireront l’attention de plus d’un. Mais j’ai l’impression (peut-être n’est-ce qu’une impression) que l’Habitant de l’Infini est finalement un manga qui passe assez inaperçu (en France du moins), et à tort, car c’est une œuvre véritablement bluffante, marquante, et passionnante, qui je pense mérite sa place dans les sommets.


(Et pour une petite provocation gratuite, entre ça et Hunter x Hunter, Kishimito et Naruto n’ont du coup clairement rien inventé, c’est bel et bien confirmé. Ici, copiant aussi bien l’apparence de certains personnages que la personnalité et les relations d’autres. Un des antagonistes, Habaki, m’a aussi fait pensé à Bradley dans Fullmetal Alchemist, mais je n’ai pour le coup aucune idée si ce n'est que coïncidence ou s’il y a existence d’un lien entre les deux.)

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le 8 déc. 2019

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