« La force ! Je la sens affluer ! » LANFEUST

La création de l’univers de Troy est le fruit d'une collaboration entre deux artistes français : le scénariste Christophe Arleston et le dessinateur Didier Tarquin. Le projet est né dans les années 1990, alors qu'Arleston voulait créer un univers de fantasy humoristique et riche en aventures, inspiré des grandes épopées de l’heroic fantasy, mais avec une touche décalée et originale.

Christophe Arleston a d'abord développé l'univers de Troy, une planète où chaque habitant possède un pouvoir magique spécifique, mais limité. Le personnage central, Lanfeust, est un jeune forgeron capable de maîtriser tous les pouvoirs magiques grâce à une mystérieuse épée. L'idée d'Arleston était d'allier aventure épique, quête initiatique et humour, tout en explorant les thématiques classiques de la fantasy : magie, héros, créatures fantastiques et mondes imaginaires.

C’est ainsi, qu’en septembre 1994 chez l’éditeur Soleil, est publié Lanfeust de Troy : L’ivoire du Magohamoth (Tome 1).

La bande dessinée est une excellente porte d’entrée dans l’univers de Troy et dans la fantasy en général. Ce premier tome introduit avec brio l’univers unique de Troy, où chaque personnage possède un pouvoir magique limité, donnant au monde une richesse narrative accessible aux nouveaux lecteurs. L'histoire suit donc Lanfeust, un jeune forgeron qui découvre qu'il peut maîtriser tous les pouvoirs grâce à une mystérieuse épée, ce qui l’entraîne dans une quête déjà épique pour un premier tome. Cela pose les bases de la série avec des personnages attachants, un ton léger et un rythme captivant, tout en reprenant les codes classiques de la fantasy de manière rafraîchissante et décalée.

De manière rafraîchissante pour son utilisation du gore souvent exagérée et délibérément excessive, mais elle s'inscrit dans une approche comique et parodique de la fantasy. Plutôt que d'être purement choquantes, les scènes de violence et de démembrement servent à accentuer l'aspect caricatural du récit, où l'excès fait partie du style. Le ton léger et humoristique de la série permet de rendre ces moments grotesques plus amusants qu'effrayants, transformant les combats sanglants en séquences exubérantes qui ajoutent à la dimension décalée de l'univers. Ce traitement exagéré du gore participe à l'aspect cartoon de l'aventure et crée une distance avec la gravité que l’on pourrait attendre d’une œuvre de fantasy classique, tout en renforçant l'absurdité et la vivacité du monde de Troy.

Le troll Hébus, par sa nature brutale et penchant pour la violence exagérée, incarne parfaitement l'aspect caricatural et grotesque de la violence. Ses attaques massives et sanglantes ajoutent à l’humour gore du récit, en rendant la violence démesurée et souvent comique. À l'inverse, C’ian, avec son pouvoir de guérison, équilibre cette surabondance de brutalité en soignant les blessures les plus horribles. Cela permet au récit de maintenir un ton léger et d'éviter que les scènes gore ne deviennent trop sérieuses, tout en jouant sur le contraste entre destruction et réparation immédiate.

De manière décalée, aussi, pour l’utilisation du sexe, en particulier à travers le personnage de Cixi. Elle est la sœur de C’ian, est dépeinte comme séductrice et insouciante, utilisant son charme et sa sexualité de manière décomplexée. Cet aspect est exagéré, dans la même veine que le gore, pour renforcer le ton parodique de la série. Le sexe est souvent suggéré ou évoqué de manière légère et non sérieuse, participant à la dimension caricaturale et irrévérencieuse de l’univers. Plutôt qu’un élément central, il sert à enrichir le caractère audacieux de l’histoire et à faire rire, tout en s’intégrant dans un monde où l’excès est la norme.

Les personnages sont funs (pas souvent qu’on retrouve cet archétype dans la fantasy) parce qu'ils combinent des traits classiques de la fantasy avec des touches d'humour et de dérision, ce qui les rend immédiatement attachants et divertissants. Le bestiaire, quant à lui, est riche et varié, avec des créatures fantastiques allant des trolls aux Magohamoths, toutes imprégnées de détails exotiques et humoristiques, créant un univers à la fois merveilleux et décalé. Cet équilibre entre la fantasy épique et l’humour fait des personnages et du bestiaire un véritable point fort de la série.

Didier Tarquin, quant à lui, a travaillé en étroite collaboration avec Christophe Arleston pour donner vie visuellement à cet univers. Son style de dessin, à la fois dynamique et expressif, a contribué à définir l'esthétique unique de la série, mélangeant détails fantastiques et humour visuel. Le duo a peaufiné chaque personnage, de Lanfeust à ses compagnons, en passant par les nombreux antagonistes, pour créer une série qui soit autant divertissante par son action que par ses dialogues et son caractère visuel.

Lanfeust de Troy : L’ivoire du Magohamoth (Tome 1) est une porte d'entrée idéale pour les adolescents dans le monde de la fantasy grâce à son mélange d’aventure épique, d’humour décalé et de personnages attachants. Il reprend les codes classiques du genre tout en les rendant accessibles et divertissants avec une narration rythmée et des situations comiques. Les éléments exagérés, comme la violence et le sexe, sont traités de manière légère et parodique, ce qui permet aux jeunes lecteurs d'aborder un univers fantasy sans lourdeur ni complexité. L'univers riche et coloré, combiné aux intrigues simples mais efficaces, offre ainsi un premier pas engageant vers la découverte de la fantasy, tout en s'amusant avec ses conventions.