L'ile de Robinson?
Qu'on se le dise, ce roman graphique est très bien dessiné et c'est une mine d'idées pour qui voudrait faire un jardin écolo. J'ai beaucoup aimé les étapes, les trucs et astuces qui montrent qu'on...
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le 4 févr. 2021
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C’est un petit rien mais qui fait du bien que cette charmante bande-dessinée de Simon Hureau.
Quand lui et sa petite famille décident d’emménager dans leur nouvelle maison, ils prennent à bras le corps le triste jardin laissé par le précédent propriétaire pour en faire un havre de paix pour la faune et la flore.
Je me suis complètement retrouvé dans cet album qui fleure bon la nature, dans cet appel à reverdir loin du béton, du chimique et des pelouses bien tondues, pouah !
J’ai vécu et grandi à la campagne, entouré de champs, de haies, de bois, et quand j’ai dû mener ma vie d’adulte (ou me faire mener par une vie d’adulte) j’ai coupé ce cordon avec la nature. Quelle surprise de retrouver sous les pinceaux de Simon Hureau des espèces que j’avais côtoyées mais que j’avais oubliées depuis, n’ayant plus vraiment l’occasion d’approcher le végétal ou l’animal en dehors de quelques sorties. Ces sorties du week-end des citadins pour retrouver un peu d’air frais, mais où tout le monde prend la voiture et s’entasse aux mêmes endroits…
Simon Hureau ramène l’écologie à un ancrage local, avec une vision pratique. Il n’est pas possible de changer le monde, d’inverser la dangereuse course contre l’extinction de la majorité des espèces vivantes, et certainement pas rien qu’avec ses petits bras. Mais avec ses petits bras on peut déjà faire un peu, à une échelle locale et constater les résultats.
Même si l’auteur doit intervenir, parfois ôter de son jardin quelques plantes qui se marient mal, il est contre ces arrière-cours faussement naturelles, où les potagers sont alignés, les haies bien taillées et la nature finalement mal connu. Où tout ce qui dépasse ou serait inutile serait un déchet à exterminer et jeter, comme l’exemple des « mauvaises herbes » toutes rangées dans le même sac à partir du moment où elles contrarient les plans des humains. Le modèle du jardin à la française, si désespérant de rigidité enferme la nature au service de l’humain roi. Simon Hureau préfère laisser vivre la nature, même s’il n’est jamais loin en lui offrant quelques coups de pouce, recréant un havre de biodiversité.
Petits effets mais grandes causes, car l’album nous montre bien les nouvelles espèces qui viennent profiter de ce petit coin de verdure. L’auteur s’émerveille devant les insectes qu’il découvre, les petits animaux qui s’installent. Une touchante candeur devant des espèces parfois majestueuses mais en danger, pour des centaines de raisons toutes liées à l’homme. Ou ces créatures moins aimées, comme les reptiles ou les insectes, qui n’ont pourtant rien demandé à l’homme pour recevoir coups et insultes.
Simon Hureau rappelle bien qu’il faut partager la nature, en bonne intelligence. Les nuisibles ou les mauvaises herbes ne méritent pas cette appellation, en dehors de quelques espèces problématiques (et qui le sont parce que des hommes ont importé du vivant pour leur plaisir sans penser aux conséquences et aux conditions de vie de milieux parfois fragiles). Un peu d’huile de coude, mais surtout pas de chimie, et on peut créer et partager des petits bouts de vie dans son jardin. Quitte à bouleverser quelques mauvaises habitudes ou perceptions, comme ces haies de tuyas qui se ressemblent toutes et qui sont boudées par la vie, et la dangereuse tentation de faire plier le végétal sous sa botte. Simon Hureau offre à la vie différents espaces, mais aussi d’autres qu’il laisse vivre. Quelques empilements de bois morts feront la joie de nombreuses espèces. Un coup de marteau dans quelques parpaings (si moches, si laids) et cela fera un trou où un oiseau décidera de nicher à l’abri des prédateurs.
L’ouvrage suit cette évolution, des premiers pas du jardin à près de dix ans plus tard. C’est un récit au long cours, un témoignage où ce lieu est au premier plan. A quelques exceptions près, on ne saura rien de la vie de Simon Hureau, il n’est d’ailleurs jamais question de son métier. Sa petite famille est présente mais dans le décor, on n’en saura pas plus. Il explique bien que ce jardin s’est crée au fil de tâtonnements, que d’autres auraient fait différemment, dans un sens ou dans l’autre, dans un jardinage à l’ancienne ou dans un respect de l’écologie encore plus poussé.
Il rappelle quelques unes de ses erreurs, quelques plantes qui n’étaient pas adaptées, des habitudes à changer (tant pis pour les miettes aux petits oiseaux). Qu’en temps qu’ami des animaux, il est impossible de concilier paisiblement la vie sauvage et celle des chats, véritables tueurs de faune, despotes des jardins qui tuent pour leur plaisir ou pour offrir leurs victimes à des maîtres parfois bien embêtés devant leurs carnage.s
Il n’y a pas de commentaire politique, même s’il se devine en creux, fortement vert. L’ouvrage se suit sans grande ligne directrice en dehors de ses évolutions, au risque parfois de manquer un peu de chaleur, d’humanité, avec ces propriétaires humains dont on sait si peu en dehors de leur attachement à faire vivre ce bout de végétal.
Pour qui voudrait prendre la suite de Simon Hureau et de sa famille, l’ouvrage offre quelques pistes, mais la pédagogie en est un peu absente. Ce sont quelques essais qui fonctionneront ou pas, les conséquences s’observent de façon empirique, la nature attire la nature. Quelques astuces sont présentes, mais ce n’est pas le but d’offrir un manuel, ni même un manifeste. Il s’agit bien d’une preuve illustrée qu’on peut tous faire sa petite part, ramener de la biodiversité en respectant la nature.
L’ouvrage d’ailleurs ressemble parfois plus à un herbier ou à des planches illustrées d’insectes, rappelant l’incroyable diversité que la vie peut prendre, y compris entre les espèces. Chaque nouvelle espèce présente dans ce jardin est présentée et commentée, avec la gourmandise de l’observateur curieux. Les planches sont paisibles, les compositions sont aérées, sans les cases habituelles, qui font sens avec le désir de l’auteur d’éviter les enfermements, qu’ils soient naturels ou graphiques. Même le charmant lettrage à la main rappelle l’investissement personnel dans ce projet, à relever les manches pour travailler pour le jardin ou pour ce livre.
Et il y a ces magnifiques couleurs à l’aquarelle, adoucies et calmes, donnant de la vie à ces dessins. On y retrouve ainsi ce travail à la main, pour être au plus du sujet. On ouvre ce livre comme on ouvre un de ces carnets d’entomologistes ou de botanistes, qui retranscrivaient sur papier les merveilles de la nature côtoyées.
L’Oasis porte donc bien son nom. C’est une bouffée d’air frais, c’est un concentré de nature, au fil des pages on est projeté au plus près de ce jardin, de cette initiative personnelle et bienveillante. C’est sensé, sans dogmatisme, sans méthode, même si un peu de pédagogie aurait été appréciable. Sans haine, même si Simon se désole de quelques comportements humains et écocides.
L’ouvrage est d’ailleurs rassurant sur ce qu’il est possible de vouloir faire à l’échelle personnelle ou plus large. Au lieu de vouloir coloniser la nature, il faut la laisser vivre, pour mieux la découvrir et partager ses bienfaits au quotidien. Chacun peut s’y mettre, et même si ce ne sera pas facile, les conséquences seront évidentes. La nature n’attend que ça, un petit bout sans béton, sans pesticides, sans cochonneries humaines, pour s’installer.
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Créée
le 13 févr. 2024
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