La bête est morte ! par Rohagus
Enfin j'ai lu cette oeuvre dont j'avais tant entendu parler, cet ouvrage racontant avec sérieux la Seconde Guerre Mondiale sous une allure faussement enfantine.
Sa plus grande qualité à mes yeux est sa beauté. Les illustrations de Calvo, d'inspiration Disneyenne, sont souvent superbes, d'autant plus quand il se lâche en grande fresque d'une ou deux pages. C'est vraiment un bel objet et on prend plaisir à regarder chaque planche.
Ceci étant dit, ce n'est pas vraiment une BD, pas au sens moderne du terme. C'est plus un album illustré à l'ancienne, avec de belles images soulignées de longs textes narratifs. Et je n'aime pas ce genre de narration qui ne s'accorde pas avec l'image : on doit soit lire le texte, soit regarder les dessins, mais l'un ne fonctionne pas avec l'autre. Du coup, la lecture m'en est pénible, d'autant plus sur le début et sur la fin de cette oeuvre où le texte est parfois trop abondant. Cela manque d'un travail sur la narration et sur la fluidité qui fait la force des meilleurs auteurs de BD de nos jours.
Le contenu, maintenant, est évidemment le second point fort de l'ouvrage. Cest un récit, souvent détaillé, du conflit mondial. Des prémices de la guerre jusqu'à la Libération. Des détails précis, un vrai ressenti des émotions de l'époque, des explications souvent parlantes : c'est plutôt bien fait et clairement pas destiné aux enfants (ou en tout cas pas uniquement). C'est instructif, et moi même qui croyais bien connaitre ce conflit, j'ai appris deux trois petites choses intéressantes.
Mais je ne suis pas totalement convaincu. Plusieurs choses m'ont déçu.
La première est le manichéisme du récit. Sur la base d'un récit métaphorique à base d'animaux, méchants loups, détestables hyènes et singes teigneux contre mignons lapins, farouches dogs et puissants bisons, on est très loin des récits un peu plus mesurés de nos jours qui rappellent que tous les allemands n'étaient pas nazis, et que tous les alliés n'étaient pas de courageux héros souriants et désintéressés.
De même, je suis un peu déçu par le fait que le récit soit très majoritairement centré sur le conflit Européen, parlant à peine de la gigantesque Guerre du Pacifique qui a eu lieu à la même période.
Et pour finir, sur la même base que le manichéisme, je n'ai guère goûté la propagande de certains passages et notamment de la fin. Le message final est que la Patrie Française doit redresser la tête, travailler d'arrache-pied à relever la Nation et surtout s'organiser en une armée forte et bien entrainée. Bref, qui veut la paix prépare la guerre, tournant férocement le dos à une possible alliance de paix avec les ennemis d'avant. Heureusement, l'Europe ne suivra pas ce message.
Mais j'ai bien vu cela comme un reflet de la façon de l'époque, tout juste au sortir de cette guerre traumatisante. C'est là encore un témoignage véritablement intéressant et qui rejoint les points forts de l'ouvrage, son côté instructif.
Ceci étant dit, malgré la beauté des dessins, la narration à l'ancienne m'a été trop pénible pour vraiment apprécier ma lecture, je n'ai donc pris qu'un plaisir modéré à sa lecture.