La Bombe, c’est un peu comme une gigantesque partie de dominos historiques : on connaît la fin (un énorme "boum"), mais le chemin pour y arriver est aussi fascinant qu’effrayant. Didier Alcante, Laurent-Frédéric Bollée et Denis Rodier nous livrent ici une fresque impressionnante sur la genèse de l’arme atomique. Spoiler : ça finit mal pour tout le monde, sauf pour les amateurs de récits captivants.
Avec un sujet pareil, on aurait pu tomber dans le manuel scolaire barbant ou le drame plombant, mais La Bombe évite le piège. Ici, les auteurs font preuve d’une ambition nucléaire – littéralement – en reconstituant les faits avec un niveau de détail qui donne le tournis. On est baladé entre les laboratoires poussiéreux où les scientifiques calculent l’inimaginable, les couloirs du pouvoir où tout le monde joue aux apprentis sorciers, et les villes japonaises qui attendent leur funeste destin. C’est dense, c’est complexe, mais c’est brillamment orchestré.
Denis Rodier, au dessin, fait exploser les conventions avec un noir et blanc tranchant. Chaque case est un mélange de gravité et de précision, comme si chaque ligne portait la charge radioactive du sujet. On salue l’effort monumental, même si parfois, les planches regorgent tellement de détails qu’on a l’impression d’être dans une réunion interminable entre physiciens. Intéressant, certes, mais pas toujours digeste.
Côté narration, La Bombe joue la carte de l’implacable fatalité. Pas de héros ici, juste des figures historiques qui jonglent avec le pire jouet de l’humanité. On apprend plein de choses – parfois trop d’un coup, au point de saturer nos neurones. Mais le tout est porté par une écriture fluide et une tension qui monte crescendo, comme un tic-tac sinistre avant l’apocalypse.
Le seul vrai défaut de La Bombe, c’est sa longueur. Oui, on sait que l’Histoire n’est pas un sprint, mais certaines séquences auraient mérité un peu plus de concision. On finit par se dire que la véritable explosion, c’est celle de notre concentration. Cependant, on pardonne vite ces longueurs grâce à l’ambition du projet et la puissance de son message.
En résumé, La Bombe est une lecture qui fait mal, mais d’une façon nécessaire. Une œuvre qui montre comment l’Homme a flirté avec l’impensable, et qui nous laisse, à la dernière page, un mélange de fascination et de vertige. À lire avec précaution… et à ranger loin des allumettes.