Pardon pour le titre, dans un esprit cour de récré pas forcément assumé, mais franchement... Bon, pour que les choses soient claires, j'ai pris la peine de lire les deux albums de Duke pour tenter de changer d'avis sur Yves H. Après "Sans pitié" un western absolument nanardesque, la lecture d'un hommage de sa plume m'a fait reconsidérer le jugement un peu rapide que je m'étais fait à son encontre. Alors ne changeons rien, l'homme est sans doute très intéressant, mais mon dieu, quelles bouses infâmes que ces opus ! En définitive, c'est très simple de dire ce qui ne va pas : à peu près tout, du scénario aux dialogues, en passant par le découpage... Et même si c'est s'en prendre à une sommité de la BD en la personne d'Hermann, on ne peut pas dire qu'il ait forcé son talent, ou alors le trait est tout simplement moins acéré, ce qu'on ne saurait lui reprocher à 80 ans maintenant. Par exemple, il ne vaut mieux pas que le mec qui utilise le flingue dessiné sur la couverture du 2e opus ait vraiment envie de buter quelqu'un. Si on en croit la perspective douteuse du dessin, il a plus de chance de lui péter à la tronche que de lui permettre de régler ses comptes...
Un peu excédé, je suis quand même allé vérifier sur BDgest la production de ce monsieur Yves H. Tenez-vous bien : 95% de ses publications l'ont été en collaboration avec son paternel. Et à y regarder de plus près, une seule d'entre elles se hisse péniblement à la note de 4/5, vous dire l'allure du palmarès malgré l'apport d'Hermann ! Et même lorsqu'il s'aventure dans les Bernard Prince ou les Tours de Bois-Maury, séries à succès, il en fait irrémédiablement chuter les appréciations.
Bon, désolé pour ce préambule, mais le syndrome "fils de" existe bel et bien en BD. Entrons dans le vif du sujet : je dévoile beaucoup de choses, mais j'ai trop de respect pour vous pour imaginer que ça puisse vous chagriner...
A la fois peu et beaucoup à dire. Encore une fois après "Sans Pardon", les ficelles sont extrêmement grossières : les gros méchants tuent femmes et enfants dans le premier puis les gros méchants tuent toute la famille devant les yeux d'une petite fille dans le deuxième. Le héros est est taciturne et déterminé, il tient tête à son supérieur, un shérif désabusé à la solde de l'entrepreneur local, parce que lui, il veut tuer les gros méchants même sans mandat, parce que bon, c'est bien gentil la loi à un moment. Mais en fait, le gentil, il a ses dossiers, alors il réfléchit quand même et il se dit que peut-être en fait il est pas si gentil que ça alors il faut qu'il arrête de tuer des gens... Non pas que je réclame quelque chose de compliqué à tout prix, mais quitte à avoir un cerveau, j'aime bien essayer de m'en servir un peu. Le tout parsemé de clichés éculés en tous genres dont les effets n'existent que pour eux-mêmes tant ils n'apportent rien au récit. Il y a par exemple ces moments où la conversation se poursuit en voix off tandis que le dessin montre un des personnages a posteriori, comme s'il se refaisait la conversation dans sa tête. Ce moment du gros méchant qui abat un blessé négligemment, sans le regarder (mais quel énorme bad boooooy !). Celui du shérif qui parle de son adjoint en l'appelant "cabochard", déclarant que sa mort eût simplifié les choses et de la réplique absolument cultissime qui suit : "Vous avez toujours su trouver les mots qui touchent Marshal", tout ça irrémédiablement conclu par un franc et massif "Va te faire foutre Duke !". Ah oui ! Ca sent le mec qui a vu des westerns ça ! Ca sent le mec qui a vu des westerns, qui a su en tirer tout le raffinement pour le retranscrire en BD ! Je ne parle pas des ressorts grossiers, du genre le mec qui se pète une jambe en marchant dans la forêt alors qu'il est poursuivi. Ou du celui du genre "oh bah je trouve la boucle d'oreille que j'avais offerte à une fille pour ses 16 ans et que 20 ans après, c'est sûr que c'est sa boucle d'oreille et que c'est elle qui est la cheffe de la bande des nouveaux gros méchants". Je ne parle pas non plus des fausses bonnes idées toute pourries, du genre qu'en fait, bah le gros méchant, il va être tué par ses copains sans qu'on comprenne trop pourquoi. Ni du suspense absolument insoutenable qui sous-tend la dernière planche du premier tome, ni de l'emploi à outrance du mot "posse" parce que ça montre bien que bah putain, il connaît bien les westerns, ni de l'incapacité absolue et totale (la redondance est aussi une figure rhétorique non ?) de l'auteur à insuffler un semblant de dramaturgie à son récit.
Bon, et tant qu'à faire, de nombreux déséquilibres scénaristiques, voire des incohérences, parsèment les deux tomes hein. Après, une fois que la série comptera un nombre plus important d'opus, de nombreuses questions trouveront sans doute réponses, mais... comment dire... c'est jamais bon signe sur la pertinence des questions quand on se fout de leur trouver des réponses... C'est quand même dommage... Ah ! Et cliffhanger absolument insoutenable à la fin du tome 2 ! Je ne sais vraiment pas comment je vais faire pour attendre la sortie du tome 3 là, pfouuuu lala...
Et du coup, ce personnage de Duke, l'adjoint rebelle, une énième arcane du Blueberry de Gir ou de Red Dust (pour rester dans le giron Hermann), perd toute forme de charisme, même graphiquement. Il en devient lui-aussi caricatural, voire ridicule, avec son visage anguleux et sa petite moustache. A croire que même Hermann n'y croyait pas.
En fait, n'importe quel artiste, quel qu'il soit, doit savoir se surprendre lui-même s'il souhaite surprendre son public, quel qu'il soit. C'est respecter son public, mais aussi et surtout se respecter soi-même. Comme quoi, l'amour-propre, ça a parfois du bon, n'en déplaise à Yves H.

Erroll
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le 16 déc. 2018

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