Après Fournier, ce sont Nic et Cauvin qui se collent à nous narrer les extraordinaires aventures de Spirou et Fantasio. Cauvin, c'est un peu la star montante de l'époque puisque la plupart de ses projets série se vendent bien. Choix logique donc, pour tenter de donner un nouveau souffle à la mascotte du journal. Nic, par contre, n'a pas fait grand chose. il bosse pour le journal depuis quelques temps et c'est certainement son projet le plus ambitieux à ce moment là. Pourquoi pas ? Après tout, Fournier n'avait pas fait grand chose avant de se voir bombardé auteur de cette série.
Le premier gros problème se situe au niveau du dessin. Nic ne dessine pas mal, mais clairement son style, sa manière de cadrer et de découper le récit n'est pas approprié pour l'aventure. C'est d'autant plus flagrant qu'il propose un dessin minimaliste, avec le moins de décor possible, ce qui contraste évidemment avec l'art de Fournier et de Franquin. Sa mise en scène est quasi inexistente, les personnages ne vivent pas ils sont juste là, debout à parler et à écarquiller leurs yeux. Il y a quand même de chouettes choses : ses véhicules inventés ou non, sont assez jolis et bourrés de détails, comme quoi il est capable. Mais ses réflexes sont ceux d'un humoriste aux courtes histoires.
Cauvin délivre un scénario assez faiblard, voire paresseux. Il donne à nos héros un objectif clair et précis assez vite, mais rien ne décolle jamais, c'est trop linéaire, ça manque de digression. Puis tout semble trop facile, ainsi le lecteur a une impression d esuperficialité en parcourant l'album ; tout ne va pas bien, mais ça s'arrangera sans trop de peine. Dernier fait étrange, l'intrigue se clôture en laissant ouvertes de nombreuses questions, et l'on sent bien que ce n'est pas pour préparer le tome suivant, mais juste parce que Cauvin a raté le coche ; d'ailleurs quelques incohérences circulent tant au niveau des actions de personnage que de l'histoire (mince y a une fausse île cachée à seulement quelques milles d'une plage française...).
L'on pourra noter aussi la curieuse volonté de Cauvin de vouloir se détacher des personnages ncréés par ses prédécesseurs. Sans doute voulait-il marquer le coup, montrer qu'il est original... c'est une erreur : Spirou n'est pas un héros facile, il vaut mieux d'abord se familiariser avec son univers avant de vouloir s'en détacher, comme l'ont fait Franquin, Fournier et plus tard Tome et Janry. En revanche, les semelles sont assez bien pensées, dommage qu'elles ne réapparaîtront plus dans la série...
Bref, ce nouveau départ commence plutôt mal. On ne s'ennuie pas, mais on est loin de l'enthousiasme que devrait procurer un album de la série.