La Chenille par Ninesisters
Seconde adaptation par Suehiro Maruo d’un texte du romancier Rampo Edogawa. Un texte court, ce qui se ressent dans la concision de cette adaptation. Le Lézard Noir étant un éditeur indépendant et l’indépendance ayant un prix, l’ouvrage revient assez cher par rapport au nombre de pages qu’il a à proposer. Mais les manga du Lézard Noir visent un public bien particulier, amateur d’œuvres matures, érotiques, voire déviantes.
Il y aurait eu de nombreuses façons de traiter le sujet de départ. Beaucoup d’auteurs auraient choisi de conter le quotidien dramatique de la pauvre Tokiko, obligée par la pression sociale de passer ses journées à s’occuper de son mari mutilé, mais condamnée par cette même société à ne pouvoir subvenir à ses propres besoins financiers.
Rampo Edogawa va au contraire se servir de cette situation pour créer une relation ambiguë et dérangeante entre cet homme à qui il ne reste que la vue et son appétit sexuel, et cette femme enchainée qui va supporter l’infirmité de son mari grâce à l’acte sexuel, mais sera progressivement prise de démence.
Rampo Edogawa est un pionnier de l’eroguro, ou l’érotisme grotesque, et cela se ressent énormément dans la Chenille. Contrairement à ce qu’il avait fait dans l’Ile Panorama, le mangaka va faire sienne l’histoire pour en proposer sa propre vision, et cela se traduit sur le papier par les hallucinations à la fois cauchemardesques et libidineuses de Tokiko, à grande force de symboles phalliques et de créatures hideuses. Il va enfin se lâcher, et ne pas avoir peur de présenter des scènes à la fois pornographiques et gores, aussi repoussantes que fascinantes. Son trait, toujours aussi réaliste, participe grandement à l’impact provoqué par cette histoire d’amour étrange et destructrice.
Inutile de préciser que ce manga ne sera pas à mettre entre toutes les mains. C’est la première fois que je lis un titre publié chez Le Lézard Noir, et si leurs autres publications sont dans la même veine, je risque fort de me laisser de nouveau tenter prochainement. La Chenille est différent de tout ce que j’avais pu lire parmi les manga traduits en Français, un titre malsain, étonnant, et perturbant, pour amateurs de « mauvais genres ».