Fin du cycle "Batman en prend plein la gueule"
C'est la première fois que je me lance dans une aventure-feuilleton de Batman, et il était temps puisque ce genre de récit à rallonge nous fait remonter aux origines de la culture populaire dont le justicier est l'un des plus brillants représentants. Seulement, un héros à présent aussi "sérieux" que Batman se prête-t-il facilement à ce genre d’exercice ? En un mot, est-ce que la surenchère narrative lui permet de garder intacte sa crédibilité ? J'ai des doutes.
Forcément, avec un run qui s'est éternisé sur un an et demi et plusieurs magazines Batman, il était à peu près certain que:
1) on allait se taper une galerie "complète" de personnages, y compris les plus kitsch
2) certains passages peu inspirés boucheraient les trous du scénario
3) le dessin et la colorisation ne seraient pas au top, mais ça c'est juste le syndrome "début des années 90".
Bingo ! L'idée de départ est pourtant excellente (montrer la première défaite physique de Batman) mais la manière d'y parvenir est douteuse... Bruce Wayne est déjà fortement affaibli dès les premières pages. Attention, pas une petite fièvre ou une fatigue passagère: c'est à peine s'il tient debout, le bougre, ruisselant de transpiration, le visage plein d'une épouvante qu'on ne comprend pas trop puisqu'il ne s'est encore rien passé ! Ben ouais, c'est comme ça, le Bat a déjà combattu trop de méchants dans sa vie... Depuis "Enfer blanc", écrit quelques années auparavant, il était à la mode de montrer l'homme chauve-souris en prendre plein la gueule (Barbara paralysée, mort de Jason...). C'est ce qui a contribué au mythe mais, à force de tirer sur cette ficelle là, on se dit qu'il était temps d'aller enfin jusqu'au bout. Surtout qu'il ne peut jamais se reposer le Batou puisque la police est totalement incapable de s'occuper du moindre petit hors-la-loi sans perdre une vingtaine d'hommes dans la traque ! Alors imaginez quand Bane libère tous les psychopathes d'Arkham dans les rues de Gotham...
Certaines confrontations sont sympathiques, à l'instar de celle contre le pyromane Firefly, ennemi méconnu (du moins par moi) et qui nécessite une petite enquête de la part de Robin. Le Joker et l'Epouvantail réservent aussi de bons moments... D'autres dingues font davantage office de bouches-trous et ennuient à force de retarder la confrontation que nous attendons tous (le Chapelier, le Ventriloque...). Bref, de manière générale, le scénario aurait pu être plus travaillé. Par contre, les réactions psychologiques du Batman sont franchement bien foutues: refusant l'aide qu'on veut lui apporter, il cantonne par exemple Robin à un rôle qui convient bien à un adolescent (recherche d'indices plutôt que confrontation directe improbable face à des cadors du crime). Chaque ennemi rencontré le renvoie à une part de lui-même qu'il aimerait ignorer et le force à repousser des limites jamais explorées...
Le final, tout de même, vaut largement la lecture tant il est exceptionnel de voir une icone pareille se faire démolir. Oublié le super-héros: Wayne n'est plus qu'un homme brisé, comme n'importe quel autre, et son combat contre Bane sonne comme un chant du cygne... provisoire. Dommage toutefois que ce dernier combat ne soit pas plus épique que ça: totalement incapable de se défendre, Batman n'est ici qu'une victime qui se laisse copieusement molester. Quitte à tout perdre, il aurait quand même pu le faire avec un tout petit peu plus de classe...