À l’approche de la sortie de son adaptation cinématographique, je me force à emprunter ce tome dans la bibliothèque de mes enfants pour découvrir de quoi il est question. Si le présent volume se lit comme l’introduction d’un récit de grande envergure, la pauvreté du scénario de Fabien Vehlmann autant que le manque d’originalité du dessin de Bruno Gazzotti déçoivent en grande partie l’amateur adulte de bande-dessinée. Seuls est bien un titre jeunesse : linéarité chronologique d’évènements qui se succèdent sans autre lien que celui de leurs témoins, et dessin classique, plat, malheureusement rehaussé de couleurs criardes.
L’ensemble manque cruellement de finesse,
délaissant donc volontairement un public plus large pour ne s’adresser qu’aux lecteurs occasionnels de moins de quinze ans. Dommage.
Dès l’introduction, le scénario de Fabien Vehlmann, porté vers l’installation d’une ambiance mystérieuse, joue, dans la fin d’après-midi d’un quotidien estival, et avec une insistance lourde, du malheur à venir, de la catastrophe annoncée pour le lendemain : au réveil, cinq gamins se réveillent seuls chez eux. Plus d’adulte, plus de frère ou de sœur, plus personne dans la ville. Le pitch initial emprunte alors à Sa Majesté des Mouches ou aux Enfants de Timpelbach mais ce tome introductif pêche par sa porosité : si deux ou trois articulations narratives fonctionnent bien,
le dénuement des épisodes transitionnels fait peine.
Les enfants abandonnés à eux-mêmes se débrouillent pour s’abriter à la nuit venue, pour cuire du riz, conduire une voiture… Il y a bien quelques cases de mystère où des morceaux de silhouettes semblent peser du regard :
ce sont les animaux échappés du cirque.
Pour le reste, le récit introduit les cinq gamins dont nous allons suivre les aventures, sans réellement développer leurs caractères : Dodji l’orphelin est courageux, Leïla la plus âgée est débrouillarde et bricoleuse. C’est bien pauvre.
Côté visuel, le dessin de Bruno Gazzotti se calque sur une bande-dessinée franco-belge si classique et si lisse que cela n’aide pas. Pas de grandes envolées, un découpage sans imagination et, je me répète, des couleurs vives, criardes et sans nuance.
Rien de catastrophique mais rien d’excitant non plus :
série jeunesse, Seuls fait dans la clarté évidente, dans la facilité.
Et sans finesse.
Déception donc.
Les défauts ressentis par le lecteur habitué aux profondeurs des romans graphiques ou à l’explosivité des meilleurs comics américains l’empêcheront de trouver le moindre plaisir à se mettre sous la dent dans ce premier tome, mais amènent paradoxalement ce qui séduira les jeunes lecteurs, heureux de pouvoir à la fois s’identifier facilement à l’un des personnages et se laisser emporter sans effort intellectuel dans
l’aventure aux enjeux simples, explicites.
Ce volume introductif touche assurément son jeune public. Mais passe à côté d’une double lecture à destination des parents. C’est fort dommage car le partage y perd alors son intérêt.