Pas de résumé sur la quatrième de couverture, aucune information permettant de savoir de quoi il retourne avant de se lancer, c’est rare et ça me plait. On entre donc dans cette BD sur la pointe des pieds pour découvrir Constance, jeune fille enfermée dans le grenier du château familial par sa grand-mère et obligée d’y passer la nuit sans matelas ni couverture au milieu des araignées. Glaçant.
Constance ne sait rien de ses parents. Élevée à la dure par cette mamy acariâtre, elle ne peut trouver de soutien auprès d’un grand-père lâche et alcoolique. Constance n’a aucun contact avec l’extérieur, elle ne va pas à l’école et tâte du martinet à la moindre occasion. L’arrivée d’une famille portugaise et de ses deux enfants dans une dépendance du domaine va changer la donne. A leur contact, Constance va découvrir sa véritable nature. Car Constance n’est pas celle que l’on croit…
Un sujet plombant mais traité sans le moindre apitoiement, à hauteur d’enfant. Constance souffre mais elle rêve, elle s’évade, elle joue. Surtout, elle se révèle au contact des autres et face à leurs réactions. Il y a beaucoup de folie, de naïveté et de cruauté dans ce récit. Une bonne dose de méchanceté aussi, de la rancœur, de la bêtise, des secrets de famille profondément enfouis dans les placards. La tragédie en cours reste malgré tout porteuse d’espoir et laisse au final la porte ouverte à une possible reconstruction.
Le noir et blanc est d’une densité incroyable, le trait vif et souple oscille entre réalisme et caricature avec une facilité déconcertante. Mathias Lehmann ose des planches totalement déstructurées où s’insinuent des touches de fantastique. Il marche sur un fil, enchaînant les prouesses graphiques en restant constamment au service de son récit, son travail est bluffant.
Un drame social troublant, qui met mal à l’aise mais reste, dans son traitement, d’une surprenante subtilité. Un album impressionnant qui va me marquer durablement, c’est une certitude.