La Femme insecte par Ninesisters
Même avec plus de 40 ans de carrière, l'étendue de l'œuvre de Osamu Tezuka ne cesse de m'impressionner. Nous pourrions penser que les éditeurs, à force de puiser dans ses écrits, ont fini par en faire le tour, mais non : ils arrivent encore à dénicher des inédits, et nombre de ses titres – Wonder Three, Neo Faust, ou encore son adaptation de Crimes et Châtiments – restent encore à publier en France.
Néanmoins, dans sa bibliographie se côtoient manga d'exception et titres moins dignes d'éloge. Alors que la plupart de ses œuvres majeures ont déjà été publiées, une inconnue demeure à chaque fois que je me lance dans un de ses ouvrages : fait-il parti de ses réussites ou de ses échecs ? En l'occurrence, Sakka nous gratifie-t-il de La Femme Insecte juste car il s'agit d'un manga de Osamu Tezuka – ce qui fait toujours bien auprès d'un certain lectorat, même si les ventes n'ont rien de mirobolantes – ou bien car il possède de véritables qualités intrinsèques ?
Après lecture, je considère qu'il s'agit d'un titre de qualité, même s'il ne figure pas parmi les meilleurs du Dieu du Manga.
La Femme Insecte date de 1970, une époque où le Maître a déjà commencé à écrire des œuvres plus matures dans leur forme ; c'est d'ailleurs à la même période qu'il travaille sur les Animerama, les fameux films érotiques du studio Mushi Production.
Le côté adulte de ce manga se ressent à la fois dans un dessin moins inspiré de Disney – moins "cartoon" – que dans des titres comme Astro Boy, et surtout dans les thèmes qu'il aborde. Nous avons là une histoire à la fois psychologique, sensuelle, et particulièrement noire, nous proposant de suivre les aventures d'une femme aussi brillante que perverse et manipulatrice, une véritable sorcière moderne. Là où elle passe, elle ne laisse derrière elle que désespoir, mort, et une pléthore de personnages brisés.
C'est une œuvre à l'image de son héroïne : étrange, insaisissable, étonnante, et captivante. Sans jamais atteindre la puissance d'un Bouddha ou d'une Histoire des 3 Adolf, La Femme Insecte est un titre intéressant dont je n'ai pu me défaire avant d'en être arrivé au bout. Il est dommage que l'histoire prenne parfois des ramifications qui font oublier les enjeux de départ, mais il s'agit d'un des rares défauts de l'œuvre. Celle-ci s'inscrit clairement dans la lignée des manga adulte de Osamu Tezuka, et le prix pratiqué par Sakka est plus que correct compte-tenu du nombre de pages et du temps de lecture. Les amateurs du mangaka devraient s'y retrouver.