La fille à son père

Albert Uderzo n'est plus. Il nous a quittés il y a quelque jours. J'ai cru comprendre que les irréductibles gaulois du village armoricain, que Jules César tente d'annexé depuis six décennies, ne lui survivraient pas après sa mort.

La Fille De Vercingétorix est peut-être l'ultime album des aventures d'Astérix et Obélix. Le village reçoit sous escorte rapprochée une invitée de marque et non des moindres, puisqu'il s'agit de la fille du grand vaincu de la Guerre des Gaules. La gamine semble être bien la fille à son père par le caractère, comme à l'image du petit ibère, le fils du chef Soupalognon Y Crouton dans Astérix En Hispanie déjà par la posture. Néanmoins, elle se lie d'amitié avec les jeunes du village qui ne partagent pas le point de vue de leurs aînés et parents traditionnalistes, ce qui leur fait un point commun. Elle doit rester sous bonne garde car Jules César, ayant eu vent de son existence, la veut afin de la romaniser tandis que les vétérans arvernes de la bataille d'Alésia posent leurs espérances sur elle.

Mais Adrénaline (c'est son nom) fait savoir qu'elle est fatiguée des luttes, des bagarres, des guerres. Elle est peut-être l'annonciatrice qui indique qu'il faudrait tourner la page et l'aventure présente lui appartient, avec les personnes de sa génération (les enfants d'Ordralfabétix et de Cétautomatix) qui se méfient de la potion magique et sont peu enclins à la tendance culinaire adoré d'Obélix, lequel se montre très sensible aux remarques des chenapans qu'il espionne.

Cette jeune génération veut changer les choses, elle est la volonté nouvelle qui se confronte à celle des anciens. Mais ce sont aussi des adolescents encore sous l'autorité parentale et qui n'acceptent pas ce que leurs paternels respectifs projettent pour leur avenir, professionnels ici, sans possibilité de faire évoluer dans une société ancrée trop dans le traditionnel.

Adrénaline fugue, veut s'en aller au mépris du danger qui la guette comme le traître gaulois à la solde de César. Elle rencontre les pirates et un sosie de Charles Aznavour dans l'équipage, un clin d'œil humoristique et personnage chantant exploité que pour de la figuration.

Cette aventure n'est pas des plus palpitantes quand on se rend compte qu'Astérix et Obélix se confinent plus en retrait. Ça manque de moments forts.

Adrénaline trouvera son chemin qui, en quelques vignettes, émeut un peu tandis que nos irréductibles gaulois profiteront, avec leurs invités arvernes, d'un énième et peut-être tout dernier banquet (?).