Savoir que les albums de Walking Dead ne constitueront plus cette série-qui-ne-s’arrêtera-jamais en infléchit, me semble-t-il, la lecture. Comment la Fin du voyage ne serait-elle pas le début d’un bouquet final ? Mais il faut peut-être imaginer un bouquet final lors duquel ne seraient pas tirées les meilleures cartouches – un chant du cygne qui ne serait pas le plus beau.
J’ignore si on peut le qualifier de retour aux sources, mais ce trente-deuxième et pénultième volume a le mérite de remettre au premier plan un adage essentiel à la série : n’importe qui peut mourir n’importe quand. (Non, je ne divulgâcherai pas davantage.) Lorsque c’est un personnage central qui succombe à l’une des moindres menaces qu’il ait jamais affrontées, dans un passage qui ferait passer la mort de Marat pour quelque chose d’épique, je me dis que c’est plutôt bienvenu. (Non, je ne fais pas partie de ceux qui voient dans la mort de Marat une fin glorieuse...)
L’album présente aussi deux caractéristiques intéressantes qu’on trouve de temps en temps dans la série. D’une part un jeu d’échos, ici lointain mais net, relie certains passages : ici, c’est Rick qui déclare « Les morts-vivants, c’est pas nous ! » (p. 102-103). (Il y a un autre exemple, pages 128 à 130, mais j’ai dit que je ne divulgâcherai pas.) D’autre part, quelques dialogues passent le mur de la page, c’est-à-dire qu’ils portent autant sur l’intrigue elle-même que sur la façon dont on peut lire Walking Dead – se reporter aux paroles de la dernière planche. Ceci rajoute à la Fin du voyage l’intérêt que lui font perdre les diverses considérations autour des notions de famille et de transmission, aussi plates que ressassées
Pour finir, dans la lignée des volumes précédents, celui-ci fait la part belle aux intrigues politiques. L’esquisse d’analyse que je proposais, dans mes critiques des volumes 30 et 31, des fondements de la conception politique à l’œuvre dans Walking Dead ne s’en trouve pas démentie. C’est tout juste si on y ajoute une touche de naïveté – quoi ? de gentils soldats se retournent contre un gouvernement mal-aimé et les citoyens craignent un coup d’État ? Du reste, la politique, aussi incarnée qu’elle soit, reste ici très théorique, dans le sens où c’est en vain qu’on cherchera quelque parallèle entre ce qui se passe dans l’intrigue et le monde de 2019.