Bone est un mélange improbable de personnages au graphisme cartoon adossés à des décors et autres figures bien plus réalistes dans leur dessin, d'humour protéiforme hilarant dilué dans un récit qui progressivement revêt tous les apparats du conte tragique. Une épopée Heroic Fantasy détonante, qui débute comme une farce mignonne et finit en te faisant verser une larme.
Une seule larme contenant bien des émotions. Le cœur serré en découvrant le final d'une histoire qui ne pouvait être que déchirant étant donné les enjeux ; la tristesse de quitter ces personnages auxquels on s'est familiarisés 1300 pages durant, tous viscéralement attachants ; la nostalgie qui déjà point...
La force de Bone, au delà de son univers qui se dévoile sans cesse, de la montée en puissance de sa narration, de son imprévisibilité malgré une trame somme toute très (trop) classique, repose avant tout les interactions entre tous les personnages. Des cousins Bones à la grand mère imperturbable en passant par la délicieuse Thorn ou l'ombrageux Lucius. La galerie s'étoffe sans cesse, renouvelant les face-à-face tour-à-tour touchants, effrayants, dantesques.
Le graphisme de Jeff Smith est osé mais brillant. Faire cohabiter les bones avec des humains au faciès détaillé devrait jurer, perturber. Il n'en est rien, ça passe comme une lettre à la poste. S'il reste très classique dans l'agencement de ses pages (découpage, mise en scène), il propose quelques planches absolument superbes, dans un noir et blanc de haute volée. Penser qu'un tel travail a été souillé par une colorisation me fait mal aux yeux.
A noter que (notamment pour lire l'oeuvre en noir & blanc, indisponible en France excepté dans quelques médiathèques sages) ça se lit très bien en VO, le vocabulaire reste très accessible.
Et les péripéties du tandem de rat creatures, obnubilé par le choix cornélien "quiche ou ragoût ?" m'ont offert des fous rires que je n'avais plus vécu en lisant une bande dessinée depuis un paquet d'années.