La France sur le pouce appartient à ces œuvres tranches-de-vies, celles que l'on regarde d'un œil émerveillé. Celles qui nous éblouissent de par leur détermination, leur obstination, ce besoin vital de trancher avec le quotidien classique d'un français moyen.
J'imagine que l'on a tous à un moment ou à un autre envie de faire comme Olivier Courtois. Partir, lâcher notre vie et se rendre compte de ce qu'est réellement le monde. D'abandonner tout notre stress, nos obligations et notre routine pour se consacrer à… la vie. On en rêve souvent. Ça nous fait peur. On remet au lendemain. On meurt. Alors histoire de s'évader un peu, on lit ceux qui ont eu le courage de se lancer, de tout quitter.
Olivier décide de tout lâcher et de faire le tour de France… en auto-stop. Un choix réfléchi pour être aux côtés des français, de les écouter, de leur parler. C'est mignon, c'est frais. Alors Olivier va attendre des fois 2 minutes, des fois plusieurs heures, mais il finira toujours par avancer, par rencontrer moult personnages hauts en couleurs et échanger, pour le meilleur et pour le pire. Et nous, nous suivons son pèlerinage tout au long de ces 160 pages dessinées par Phicil.
Petit mot sur ce dernier : les différentes planches, étonnamment simplistes dans leur mise en page avec peu de cases, au format toujours rectangulaire sans grande inventivité, colle parfaitement avec le ton de l'histoire. Simple, léger, aux contours ronds et avenants, on suit l'aventure de notre barbu avec plaisir. Les couleurs sont bien choisies, toujours chaleureuses, et la traversée des différentes villes réussies. Bref, Phicil remplit son rôle avec brio et c'est bien son dessin et sa couverture qui m'ont donné envie de m'y plonger.
Olivier, lui, est un routard positiviste.
Il avance sur ces routes avec un sourire et un espoir heureux de tous les instants. Pourtant, soyons clair, son périple n'est pas facile en soit. D'une part pour le corps, mais aussi pour l'esprit. Les intempéries, le dédain d'autrui, le danger, la nuit à la belle étoile pas toujours dans des endroits sains, font que cette aventure est loin d'être facile. Et pourtant, le ton de l'album et son discours, eux, le sont. Olivier est heureux (et on le comprend au fond), les gens ne sont pas méchants et si certains peuvent paraître bizarres, ils agrémentent ce qu'il recherche : l'imprévu.
Et c'est à ce moment que la BD a commencé à me décevoir : quand j'ai compris que l'ensemble allait tourner en rond. On suit son parcours, mais toujours de la même manière. Une rencontre, quelques échanges verbaux (ou non), une remarque et une conclusion teintée de morale. Et c'est facile, tout est facile, bon enfant. Trop bon enfant. On se prendrait à retrouver les discours simplets et naïfs de l'Alchimiste de Paulo Coelho. Et si l'ensemble se veut frais et empli de joie, de simplicité qui fait du bien, et de rencontres magiques… cela ne mène à rien. Il n'y a pas d’événement magique avec un grand M. Quand vous lisez cette BD, vous ne faites que suivre une série de mini-histoires sans grand impact, sans grande prétention. Je me suis lancé dans cette lecture pour le recul potentiel qu'elle pourrait m'offrir sur certains événements et rencontres, et pourquoi pas, soyons fou, sur la vie. J'ai ouvert l'ouvrage pour espérer retrouver ce que j'ai cru percevoir dans des chefs d'œuvre comme le Combat Ordinaire de Larcenet ou Asterios Polyp de Mazzucchelli. Ces livres qui vont content une tranche de vie mais vous met trois baffes avant de vous empêcher de dormir durant les trois nuits suivantes. Bref, ces œuvres qui vous ouvrent les yeux. Et pas qu'un peu.
La France sur le pouce n'est rien de tout ça. Elle ne vous fera pas grandir. Elle ne vous transcendera pas et réveillera encore moins chez vous l'envie de voyager, de partir à la rencontre d'autrui. La France sur le pouce, c'est juste une petite histoire gentillette, une succession de rencontres sans lendemain, des remarques trop simplistes pour être percutantes et quelques couleurs et cases chatoyantes.
Et c'est tout.