Pirlouit, prototype et victime collatérale du succès phénoménal des Schtroumpfs

C’est introduit par Franquin que le jeune Pierre Culliford, dit Peyo, entra au journal Spirou, au début des années 1950, afin d’y développer son Johan. Ce tout jeune page longiligne, au trait encore malhabile, évolue dans un monde médiéval teinté de fantastique. Il est brave, sage comme une image et, de fait, tristounet. Le troisième album voit l’apparition d’un personnage, dont les mauvaises blagues terrorisent le pays du Bois aux Roches. Autrement plus attirant que le héros en titre, ce nain, tout de rondeur, est juché sur Biquette, sa chèvre noire. Le courrier des lecteurs ne s’y trompe pas : qu’il reste ! Johan tient enfin son Pirlouit.


La Guerre des 7 Fontaines est leur dixième album. Johan a vieilli, il incarne désormais un écuyer, toujours sans peur et sans reproche. Entretemps, Pirlouit a tiré la couverture à lui : tour à tour espiègle, menteur, farceur, naïf, étourdi, téméraire, grognon et (presque) toujours joyeux. Ce petit homme possède une véritable âme d’enfant. Que ce soit par ses maladresses ou ses imprudences, il est à l’origine de tous les gags, dont le fameux vin merveilleux, mais aussi des rebondissements de l’histoire. Depuis la malédiction qui assécha les sources de son fief, le fantôme du seigneur de Baufort erre chaque nuit en son château fort abandonné. La prospérité ne reviendra sur la contrée que si le sortilège est levé et qu’un descendant légitime lui succède. Or, l’appât du gain a attiré d’innombrables neveux, qui rivalisent en paillardise et malhonnêteté. Le scénario fait appel à quelques personnages secondaires de qualité : un revenant désabusé, une singulière sorcière et les (déjà) envahissants Schtroumpfs.


Le dessin semi réaliste de Peyo excelle, aussi bien dans les scènes de batailles à grand spectacle, très complexes à composer, que dans les intérieurs. L’auteur a appris à organiser ses pages en fonction de l’action, s’affranchissant du carcan standardisé des premiers tomes (le format « moule à gaufre »). Il ne cache plus sa tendresse pour son dernier né. Si vous en doutez, admirez le Pirlouit hilare de la dernière vignette.


Pirlouit ignore que ses jours sont comptés. Trois ans plus tôt, l’album La Flûte à six Schtroumpfs a fait appel à des... Schtroumpfs. Le succès des de la bande de lutins est immédiat. Or, les petits personnages bleus se prêtent admirablement bien au merchandising : comment résister à une telle sirène ? À regret, Peyo y consacrera bientôt toutes ses forces, sacrifiant Johan et Pirlouit, qui s’interrompt après le 12e album.


PS Une tentative de relance, initiée par Thierry Culliford, le fils de Peyo, échouera piteusement dans les années 90.


Octobre 2017

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le 21 janv. 2016

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Step de Boisse

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