Le premier opus eût pu faire de Rahan une sorte d'Apollinaire.
Mais s'il est bien question d'alcool dans cette suite, c'est pour mieux faire de Rahan un parangon du communisme.
Toujours très poétique dans son écriture, quoique plus simpliste, La Horde folle est aussi plus engagé: des fruits velus qui nourrissent un Rahan qui s'en étonne à la source rouge qui rendent les hommes incapables de défendre leur tribu, tout un langage des premiers âges se lit ici.
Mais derrière eux, toute une herméneutique !
À première vue contre-productive pour un communiste comme Roger Lécureux, semblant opposer le réséda-noix de coco au rouge communiste plutôt vicieux, c'est pourtant un message pro-coco que recèle la première strate d'interprétation. Une fiction en croisade contre l'alcool qui rend impotent, égoïste voire même involontairement dangereux.
La deuxième strate interprétative est cependant et heureusement plus profonde: Rahan profite du fruit de ses efforts, la noix de coco qu'il faut chercher haut dans le palmier et casser en deux tandis que les hommes de la horde se laissent pervertir par le plaisir facile du raisin déjà pressé. Ce qui n'est pas sans rappeler la fable de La Guenon, du singe et de la noix de Claris de Florian:
Une jeune guenon cueillit
Une noix dans sa coque verte ;
Elle y porte la dent, fait la grimace... ah ! Certe,
Dit-elle, ma mère mentit
Quand elle m'assura que les noix étaient bonnes.
Puis, croyez aux discours de ces vieilles personnes
Qui trompent la jeunesse ! Au diable soit le fruit !
Elle jette la noix. Un singe la ramasse,
Vite entre deux cailloux la casse,
L'épluche, la mange, et lui dit :
Votre mère eut raison, ma mie :
Les noix ont fort bon goût, mais il faut les ouvrir.
Souvenez-vous que, dans la vie,
Sans un peu de travail on n'a point de plaisir.