La Jeune Fille aux camélias par Ninesisters
Je connaissais Suehiro Maruo pour ses adaptations de Rampo Edogawa, ou du moins pour ses adaptations des œuvres ero-guro (érotique et gore) de l’auteur. La Jeune Fille aux Camélias est le premier manga que je lis dont il signe aussi le scénario, mais il apparait d’entrée que son travail sur Rampo Edogawa n’était pas le fruit du hasard, car l’ero-guro lui colle à la peau.
De La Chenille, nous retrouvons à la fois le personnage amputé, l’image grotesque et sordide du sexe, mais aussi l’ancrage du récit dans une époque révolue, à savoir les années 20/30. Ce manga montre aussi une énorme influence de Freaks, film de 1932 signé Tod Browning, dans lequel nous suivons d’authentiques « monstres de foire » ; sauf que là où l’œuvre de Browning s’employait à nous montrer que les monstres n’étaient pas ceux que nous croyions, Suehiro Maruo en fait des êtres immondes et nappe son récit d’une ambiance extrêmement glauque.
Le mot qui revient est « grotesque ». La représentation du sexe et des personnages, le quotidien de la pauvre Midori, tout est grotesque. Je ne l’ai pas précisé, mais vous avez dû comprendre que ce manga n’est pas à mettre entre toutes les mains ; et je ne parle pas seulement de l’âge du lecteur, mais aussi de sa sensibilité à ce genre de récits. Si ce n’est pas sa perversion qui vous choque, cela peut être le malheur qui s’acharne sur la pauvre Midori.
IMHO est un éditeur spécialisé dans les manga différents, et à n’en pas douter, celui-ci l’est. Il rappelle sans mal le cinéma d’exploitation erotico-gore tel qu’il a pu apparaitre dans les années 60/70, et des films comme ceux de Jésus Franco, pour ne citer que lui.
C’est un genre dont vous serez client ou non, et il n’existe aucun juste milieu ; soit vous adhérez à son contenu extrême – non seulement sexuel mais surtout carrément malsain – soit il vous dégoutera profondément. Il offre pourtant une expérience à la fois troublante et originale, baignée par une esthétique aussi fascinante que dérangeante. C’est un manga comme il s’en trouve peu, à plus forte raison sur le marché français.
En raison de son caractère excessif et radical, je recommande de tester Suehiro Maruo avec ses adaptations de Rampo Edogawa – La Chenille et L’Île Panorama – lesquelles annoncent bien le style de La Jeune Fille aux Camélias tout en restant plus abordables, voire presque édulcorées par rapport à ce titre. Cela vous donnera une idée.
Si vous en avez marre du manga d’aventure basique ou que vous êtes un adepte des œuvres hors-normes, alors vous trouverez peut-être votre bonheur avec ce titre. Sûrement, même, si vous appartenez à cette seconde catégorie. Pour ma part, j’ai trouvé cette plongée dans la psyché malade de son auteur aussi perturbante qu’enrichissante – ce qui correspond finalement aux raisons qui m’ont fait apprécié Freaks ou des films de Jésus Franco – mais je regrette après coup qu’il ne dure que 160 pages.