Bien meilleur que les biographies BD!
Quelle idée d'inventer ce poète qui s'est dit décadent pour vivre mais qui, comme sa sœur le dit, se sent frère d'Arthur Rimbaud! Combien sommes-nous sur terre depuis cent cinquante ans à être entré dans cette communauté d'âme que la lecture du Bateau ivre électrise? Très nombreux. Et cela me rassure tant sur le monde dans lequel je vis!
Le scénariste de La Ligne de fuite a certainement les poèmes de Rimbaud sous la peau lui aussi, comme Adrien, ce poète imaginé dans la BD, les a toujours sur lui, près du corps, comme un talisman qui protègerait de la médiocrité du monde.
Il faut absolument saluer aussi cette délicatesse et cette profondeur d'écriture qui a transformé le voyage d'Adrien en Afrique pour rencontrer Rimbaud le trafiquant en un itinéraire de maturation de lecteur et de poète. En effet, au départ, à Paris, Adrien ne peut que lire, abasourdi, la beauté parfaite du Bateau Ivre et s'en laisser griser, allant jusqu'à rêver éveillé et retomber lourdement après. Puis, progressivement, la lecture devient force agissante en lui, et le pousse à partir : cela correspond à cette deuxième période où le lecteur de Rimbaud l'envie, le jalouse pour avoir su n'accepter rien d'autre que la liberté. C'est Rimbaud, l'idole adolescente de Verlaine, des anars, etc. Enfin, progressivement, Adrien se rend compte de la leçon de douleur et de solitude que la poésie - telle que Rimbaud la concevait - enseigne. Elle implique de briser les idoles, y compris Rimbaud lui-même, ou plutôt l'image que l'on se fait de lui. La fin de la BD est dès lors limpide... A vous de vous en assurer!