La Maison
7.4
La Maison

BD (divers) de Paco Roca (2015)

One shot de Paco Roca, format à l'italienne, La Maison nous dépose en Espagne sur quelque hauteur rocailleuse face à la mer au bout du paysage, où une fratrie orpheline se regroupe face au deuil. Il y a là quelque chose de très intime qui se joue au tendre fil des cases, et le lecteur est alors convié à 


la résurgence nostalgique de petits bonheurs épars,



pas toujours partagés entre les protagonistes, qui disent les portraits cousins mais distincts de cet homme en commun, comme une errance entre confidences et jardins secrets.


Une maison à l'abandon qu'il faut rafistoler, un jardin à défricher, un poids sur le cœur, sur l'âme, quelques incertitudes sous de profondes interrogations filiales, Vicente, José et Carla se retrouvent avec l'intention de rafraîchir au plus vite cet héritage familial qu'aucun d'eux ne fréquente plus vraiment, afin de vendre. Avec le temps la fratrie s'est distendue, chacun vit sa vie. Les dernières retrouvailles datent déjà de quelques années. Mais sur place, la proximité du père absent les ramène insidieusement, tous trois, à reprendre le rôle qui leur était plus ou moins dévolu, commis aux travaux effectués par le paternel. Et tous s'y remémorent, en silence ou en quelques dialogues, le père, l'éclairant ainsi d'angles divers, de souvenirs fragiles, 


de petits riens qui font la somme.



La couleur se joue d'ambiances douces, sereines – même sous la pluie. La narration est fluide, aérée. Le format à l'italienne étend subtilement les plages de respirations, sublime les impasses de certains questionnements des personnages. Le principe d'allers-retours entre flashbacks et moments d'absence présents glisse sur des raccords aux décors ingénieux, poétiques. Laisse travailler le cœur et l'imagination. Peut-être est-ce l'étalement des points de vue, l'impression d'un 


doux survol presque contemplatif :



si l'ouvrage séduit, si l'histoire touche, il y manque quelque envolée, un élan, pour que le partage des émotions embarque plus sûrement. Tout se joue comme d'une caresse. Délicate, apaisée.


Très belle découverte là que celle de cet auteur : Paco Roca charme par son style graphique, précis et tendre, autant que par la maîtrise narrative, tout en retenue, toute en effleurements. Le format à l'italienne, le découpage poétique, instinctif et non-linéaire qui s'y inscrit participent 


d'une fragilité et d'une émotion profondément bienveillante,



à l'égard de ses personnages autant que de ses lecteurs. Comme une forme de respect du deuil justement, de respect de cette irrémédiable fin qui nous guette. Et finalement, La Maison, en limitant la parenthèse de l'affliction, emplit jusqu'au bout son propos cathartique, raccroche à l'envie, à la vie.
Et laisse le sourire au cœur, entre amertume et espoirs.

Matthieu_Marsan-Bach
7

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Créée

le 19 janv. 2019

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