Nouveau départ pour SPIROU & FANTASIO, donc.

Après avoir atteint le nadir de la série grâce à Yoann & Vehlmann, succédant déjà à une équipe faible, on avait tout de même une certaine appréhension, même si le trait élégant de Schwartz, connu des lecteurs de SPIROU depuis longtemps, avait de quoi rassurer. Le tout était donc de lui adjoindre un scénariste qui sache lui écrire des scénarios valables.
De ce point de vue, on peut dire que Dupuis semble avoir peut-être trouvé en la personne de Sophie Guerrive (assistée de Benjamin Abitan) quelqu'un capable de relever le défi. On verra au fur et à mesure si cette première tentative se concrétise avec les albums suivants.

La Mort de Spirou, pour la première fois depuis belle lurette dans la série officielle, est une lecture plaisante. Grâce avant tout à Schwartz : son trait est propre, soigné, dynamique, très esthétique et donc respectueux du lecteur (on regrettera cependant la laideur de la Turbotraction ou celle de Mademoiselle Jeanne). Le tout parfaitement mis en valeur par la mise en couleurs. On n'a pas vu autant de lumière dans un SPIROU depuis Luna fatale. Et ça, ça fait vraiment plaisir. Finies les couleurs sinistres où l'orange remplace le jaune, le bordeaux, le rouge et le caca-d'oie, le vert. Enfin !

Pour ce qui concerne l'histoire, c'est plutôt traditionnel et sans grande surprise dans la forme. Cela dit, ça fonctionne (certains passages sont réussis). La fin, plutôt osée donne envie de connaître la suite - qu'on pourra découvrir en 2024.

Mais, car il y a forcément un "mais" (vu la note), une nouvelle fois, on est allé nous repêcher ce foutu Zorglub du trou dont il n'aurait jamais dû sortir. On ne le voit certes pas beaucoup, mais il a encore fallu qu'on nous le balance dans la figure, lui et sa zorglonde (il sévissait déjà lors du premier album de la reprise précédente). Et comme chez Yoann & Vehlmann, là aussi, l'histoire se situe dans le contexte des affaires internes de la rédaction de Spirou (un brin auto-complaisant : Spirou qui parle de Spirou. Oui, bon). Beaucoup plus gênant à mon goût, cette manière insistante de faire la leçon au lecteur qui n'a pas complètement disparu avec l'éviction de l'insupportable précédent scénariste (on a quatre cases d'une parfaite inutilité narrative dans lesquelles on nous explique qu'il faut manger bio, sans gluten, sans machin et sans bidule et pas de chocolat ; et Spirou qui voulait son petit chocolat se plie finalement au diktat bienpensant de Fantasio. Moi, ça me donne surtout envie de revoir Barbaque - https://www.senscritique.com/film/barbaque/42776448). Et que dire de cette "bouillabaisse végane" à la c.. !

Voilà donc les quelques points agaçants qui ont bien terni l'appréciation de l'album, selon mon goût.

Si dans l'ensemble, La Mort de Spirou est lisible, on peut néanmoins s'interroger sur les choix très marqués de Dupuis quant à l'attribution de la série à ces auteurs. Cette nouvelle reprise est présentée comme une relance dans le genre rétro, par le style de Schwartz, en totale opposition à toute l'évolution de la série depuis sa création en 1938 jusqu'au dernier album valable de la série-mère, Luna fatale en 1995. Les passages de relai successifs entre les dessinateurs (Rob-Vel, Jijé, Franquin, Fournier, Broca, Janry) qui ont forgé une identité graphique à la série et aux personnages (le style "gros nez" propre à Marcinelle), ont été balayé d'un revers de main pour laisser la place à une nouvelle forme, certes élégante (la ligne claire chère à TINTIN), mais contradictoire avec l'identité de la série depuis ses origines.
Est-ce donc encore du SPIROU ? (ce qu'on peut dire de quasiment tous les VU PAR... d'ailleurs)

Alors, oui : en tant qu'album, ça peut être bon. En tant que premier album de la reprise, c'est nettement moins sûr.
Il faudra attendre deux ou trois tomes de plus pour savoir si cette nouvelle identité tient la route. Et encore ! Cette relance apparaîtra sans doute comme une nouvelle série parallèle (à l'instar de la pénible mini-série de Bravo). Avec ce n°56, on a plutôt la sensation de lire un nouveau VU PAR... car on ne peut faire disparaître en claquant des doigts un univers aussi riche construit en 50 ans, et décider de faire table rase du passé sans que ça se remarque.

Pour ce qui est du SPIROU & FANTASIO de référence (de Franquin à Tome & Janry), il semble désormais clair que, après avoir creusé sa tombe pendant 24 ans à coups de choix au mieux surprenants, au pire stupides, Dupuis a bel et bien tué Spirou.

Muffinman
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le 20 août 2023

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