Ces aigles qui donnent leur titre à cette formidable saga médiévale sont la devise héraldique du héros, d'où le féminin "décapitées". C'est une des séries phare de la collection Vécu de l'éditeur Glénat qui au début des années 80 a lancé plusieurs BD historiques dans toutes les époques comme les Sept vies de l'Epervier (règnes de Henri IV-Louis XIII), les Chemins de Malefosse (guerres de Religion), les Héritiers du soleil (Egypte pharaonique), Quetzalcoatl (conquête du royaume Aztèque par les Espagnols), Mémoire de cendre (épopée cathare), le Vent des dieux (Japon féodal), ou encore les Tours de Bois-Maury (France médiévale de l'An 1000)...
Le récit fonctionne par cycles, cet album est le premier d'un cycle de 3, c'est probablement l'un des plus passionnants car il plante les personnages et l'histoire qui va s'en suivre à travers toute une suite d'événements qui sont un mélange de faits réels et de faits fictifs, les auteurs jouant habilement avec les soubresauts de l'Histoire, à la manière d'Alexandre Dumas. Il s'agit d'une lutte territoriale comme il y en eut tant au Moyen Age, entre le pouvoir royal encore mal consolidé et de puissants vassaux.
Il faut savoir que tous les événements de ce cycle sont réels : le jeune roi Louis IX (futur Saint-Louis) est enfin débarrassé de la tutelle de sa terrible mère Blanche de Castille, il n'apparaît pas encore dans cet album, ni Lusignan, mais une grande scène d'exposition à Crozenc entre le bailli et Enguerran explique cette révolte vassale qui eut bien lieu au XIIIème siècle (conflit entre Alphonse de Poitiers, frère du roi et le comte Lusignan qui a épousé Isabelle d'Angoulême, veuve de Jean sans Terre et mère du roi d'Angleterre régnant Henri III).
Le héros Hugues, est d'origine noble, son père étant Renaud de Crozenc, tué par l'usurpateur Enguerran. Avec Sigwald, son compagnon qui lui a révélé cette félonie, il arrive à Crozenc pour réclamer son titre de baron, mais il sera mal reçu évidemment par Enguerran ; s'ensuit un combat en même temps qu'il découvre Alix, la fille d'Enguerran, et le meurtre du bailli par un fourbe maraud, ce qui déclenche tout ; c'est alors un inextricable écheveau qui devient passionnant à mesure qu'on s'y plonge, car les 2 personnages principaux sont jetés un peu par hasard dans une suite d'événements qui les dépassent, au sein d'un conflit encore plus grand qui est la rivalité Alphonse de Poitiers/Lusignan.
Pour servir cette aventure, les auteurs redoublent d'efforts pour imposer un dialogue abondant où s'incruste un langage médiéval qui colle bien au récit, sans être envahissant. Certaines scènes dans la première partie pèsent un peu par trop de dialogue, mais il est nécessaire pour bien comprendre le récit, c'est donc une narration encore moyennement dosée qui démarre et qui va ensuite se stabiliser, même si la série restera bavarde. Heureusement, les auteurs savent rendre ce cycle passionnant.
Quant au dessin de Kraehn, il restitue ce XIIIème siècle avec une précision et un soin exemplaires dans les architectures, décors et costumes...il n'y a qu'à voir la superbe image de la dernière page qui montre le château de Crozenc dans son intégralité. Crozenc orthographié ainsi est un choix des auteurs dont j'ignore la raison ; aujourd'hui, c'est Crozant (dans la Creuse au nord-est de Guéret), jadis forteresse la plus puissante de la province de Basse-Marche, puis du royaume lorsqu'elle passera dans le domaine royal. Il n'en reste aujourd'hui que de pauvres vestiges que j'ai eu l'occasion de visiter 3 fois, mais la superficie est grande et l'ensemble a été bien restauré, on comprend en parcourant ces ruines que son emplacement était stratégique, en plus le lieu est magnifique, la forteresse étant juchée sur un long plateau intégralement baigné par la Creuse.
Voici donc un premier épisode qui commence brillamment, les auteurs sachant à la perfection entretenir un suspense qui va se poursuivre dans les 2 albums suivants, et veillant à ne pas trop en dire dès le début pour donner au lecteur l'envie de continuer. Il faut un minimum s'intéresser à cette période médiévale.

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le 17 nov. 2020

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Ugly

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