Je ne suis pas un fanatique de la littérature à la gloire de la gastronomie française. Il est sans doute facile de faire de l'emphase sur le caractère émouvant d'une poularde, d'un consommé, etc... Mais cette bande dessinée est vraiment un bel objet, et un objet de cadeau idéal si vous avez un ami bon vivant.
L'ouvrage est une adaptation d'un roman de Marcel Rouff. Il raconte le désarroi d'un gastronome renommé, Dodin-Bouffant, après la perte de sa cuisinière Eugénie. Il découvre par hasard un diamant caché dans la boue : la gargottière Adèle, dont il cultive le talent inné, au point qu'un prince d'Eurasie songe à la lui enlever. Mais notre Pygmalion tombe évidemment amoureux de sa créature... L'histoire est légère, truculente (on se situe presque dans le registre de l'opérette), et se situe dans un cadre qui évoque les romanciers du XIXe (Balzac, Flaubert).
Magnifique choix graphique que celui de Mathieu Burniat : celui de rendre hommage aux caricatures de Daumier. Ses personnages sont très typés (longs nez, pense replète, traits caricaturaux). Le découpage est plutôt classique, sauf lorsqu'il s'agit de décrire les sensations culinaires (ou sur la fin les émois du héros). Dans ces moments-là, on est dans l'allégorie, voire le morceau de bravoure onirique. A noter l'épilogue, qui se termine sur des gravures pleines pages avec une petite légende en bas : difficile de faire plus Daumier. Le livre lui-même est classieux, avec un papier voluptueux, et ça fait du bien.
La passion de Dodin-Bouffant est un bel objet, rendant hommage à la gastronomie française et à Daumier. Laissez-vous tenter, vous ne le regretterez pas (même si vous êtes végan).