Un film injustement méprisé par les critiques français.
Cet œuvre est une remarquable transcription d'une cuisine gastronomique d'il y a plus de 150 ans. Le réalisateur filme le décor, le soin, la lumière de l'époque: pas d'eau courante, pas d'électricité. Les ingrédients viennent du jardin à la table, ou arrivent directement de la ferme ou du chasseur, vers le restaurateur.
Tran-Ahn-Hung filme la nourriture, la cuisine, mais aussi les personnes qui mangent, qui mastiquent, qui digèrent. Il y beaucoup d'impudeur dans ces images, on pourrait presque parler de "pornographie culinaire". La préparation d'un poulet, le nettoyage d'un poisson, sont des gestes crus, un peu dégoutants, et pourtant c'est cela la cuisine, la vraie cuisine.
Manger est un acte intime, corporel, sensuel, comme faire l'amour. Cet acte matériel n'est pas habituellement montré de cette façon et c'est en cela que ce film est original.
Benoit Magimel incarne très bien le maître, l'artiste culinaire, avec ses exigences. Il y a une nostalgie de l'époque où les employés répondaient simplement "oui" à tous les ordres du chef. Sandrine Bonnaire, je l'aime depuis ses premiers rôles de jeunesse; alors je l'aime aussi dans ce rôle de la maturité. Dans un dialogue du film, Benoit Magimel lui dit qu'"elle est à l'âge de l'automne, comme lui". Elle lui répond joliment qu'"elle se sent toujours en été, car elle aime la chaleur brûlante sur son corps."
Les autres acteurs sont très bien aussi: les amis gastronomes forment une belle brochette de comparses complices et érudits.
Le film est un peu alourdi par des dialogues parfois trop académiques. Mais la photo, l'image, les sons, les couleurs, les sensations qui en découlent, en font un film inspiré et splendide.