Chers Philippe Collin et Sébastien Goethals,
voici un deuxième courrier. Ce n’est pas une relance. Vous n’avez rien n’à vous acquitter. Vous n’aurez pas de pénalités de retard.
Ma première missive, vous concernant, était pour votre précédent ouvrage : “le voyage de Marcel Grob”.
Cher Philippe Collin, vous avez le don de nous raconter des histoires. Immiscer, infuser, subtilement, celles-ci dans la grande Histoire.
La bonne idée : jouer du mimétisme comme d’une arme d’efficacité massive.
Deux frères (les Werner). Deux sœurs (la RFA et la RDA). Un livre sur la fraternité, la séparation, la trahison, le pardon, la réconciliation….
Dans “la patrie des frères Werner”, nous oscillons sans cesse entre fiction et faits historiques. Entre passion fraternelle et soumission idéologique. Entre sport et politique. Entre l’Est et l’Ouest.
Et au milieu coule une guerre froide que le graphisme de cet ouvrage tant à “sublimer” (cher Sébastien, celle-là est pour vous !)
Mais qui sont les frères Werner, tout droit sorti du cortex cingulaire postérieur, pour le moins inspiré, de Philippe Collin ?
Andreas et Konrad Werner sont deux frères, liés par le sang sur les ruines de Berlin en 1945. Au gré de leur pérégrination de fin de conflit mondial, ils se verront incorporés dans la STASI (la police politique Est allemande).
Attention, ici, le mur qui cicatrise les terres germaniques, qui le saigne, a des oreilles. La lecture rend palpable la chape de plomb posée sur ses hommes et ses femmes. Sur la régnante méfiance des uns envers les autres. Et vice-versa.
L’intrigue se joue à la limite de deux plaques tectoniques. Entre deux pays que tout sépare, si ce n’est le sang versé pour l’Histoire.
“Le foot n’est pas une question de vie ou de mort, c’est bien plus important que cela.”
Bill Shankly
Bon, c’est bien beau, mais le sport dans tout ça ?
C’est là, l’idée géniale. Envoyer tout ce petit monde en juin 1974 en Allemagne de l’Ouest pour la rencontre de football, sans doute, la plus historique. Celle qui opposa la RFA à la RDA lors des phases éliminatoires de la Coupe du monde. Il faut remettre dans le contexte, les relations sont plus que tendues. Les murs sont encore loin de tomber. Ce match revêt, surtout pour l’Allemagne de l’Est, une importance capitale.
Au niveau sportif, c’est David contre Goliath, le rideau de fer contre le rideau de terre.
“Il était une fois dans l’Ouest” ou “À l’Est d’Éden” ? Choisi ton camp camarade !
Je me garderai bien, là, de dévoiler le fin fond de l’histoire. Pour le résultat du match de football, il est facile de le connaître, mais pour le reste…
En filigrane de cette histoire, la question : jusqu’où peut-on aller par idéologie ? Vous avez deux heures ! C’est justement le temps de lecture de cette bande dessinée.
Et les frères dessinés !
Chers Philippe et Sébastien, je vous adjure de nous sortir un troisième volet. Et jamais deux sans trois courriers.
Sébastien Beaujault
“La patrie des frères Werner”
Philippe Collin et Sébastien Goethals
Editions Futuropolis