Les vapeurs nocives de Delphes...
Amateur de mythologie grecque, je n'ai pu résister à l'impulsion d'achat qui m'a saisi à la vue de ce titre.
En effet, la couverture est tout à fait réussie : violence et sensualité se mêlent à travers la représentation de la pythie dont il est question dans l'histoire. Le côté coloré de ce personnage est rehaussé par un fond gris-sépia. Ce premier tome ouvre ce qui s'annonce comme une pentalogie par le duo qui a déjà œuvré sur "Nosferatu".
Le dessin intérieur est bien exécuté, agréable à regarder même si la pratique ne pourra que bonifier le style graphique. Il y a en tous les cas un potentiel certain dans le trait et j'attends de mesurer son évolution dans les tomes à venir. Celui-ci aurait gagné à avoir une mise en couleurs plus engagée car elle offre des teintes informatiques assez quelconques qui manquent de personnalité. Même si cela ne prête pas à conséquence dans le récit, j'ai déploré quelques petites incongruités ça et là. Je ne mentionnerais que les plus gênantes : Apollon qui porte des cnémides grecques (bien vu !) mais une pièce d'armure segmentée d'origine médiévale fantastique sur le bras droit (faut arrêter les références hollywoodiennes !) ; la pythie enceinte dont le ventre plat ferait pâlir d'envie les plus beaux mannequins.
D'un côté plus positif, on retrouve un bestiaire varié qui régalera les amateurs. De la même façon, on suit les pérégrinations martiales des guerriers spartiates qui rappelleront furieusement les "300" du film éponyme. Ils veulent façonner leur destin, destin que leur roi veut glorieux. Mais l'Histoire s'en souviendra t-elle ?
L’histoire justement est introduite de bien habile façon par un vieux conteur atteint de cécité.
Celui-ci va, le temps d'un récit, faire vibrer ses auditeurs d'une histoire d'hommes et de dieux, les deux étant souvent mêlés. Là, le scénariste semble s'être imprégné de la mythologie grecque : les dieux ne cessent de se quereller, de manipuler l'orgueil des hommes, d'abuser les femmes et de se divertir de leurs avanies. L'oracle, au cœur de ces complots, ne verra pas venir son malheur ni sa fin (qui pouvait prédire l'identité totalement inattendue de son bourreau ??), tout comme le lecteur qui ne s'attend pas forcément à ce dénouement. Le dieu qui joue le mauvais rôle n'est pas celui que l'on observe d’ordinaire et il est étonnant de constater que l'astre solaire possède une telle part d'ombre.
Le meilleur du récit reste selon moi la dernière planche, magnifiquement subtile dans la parabole qu'elle induit. Celui qui n'a plus la vue va transmettre la tradition orale à celui qui représente sa succession... ou bien est-ce lui-même en miroir ? L'histoire n'est-elle pas un perpétuel recommencement ?