J'ai découvert l'œuvre de Joann Sfar, j'en ai été changé. Intrigué, tout d'abord, par la liberté de ton de sa BD "Le chat du rabbin". Liberté de ton marié à une liberté de forme également. Un style de dessins à mi-chemin entre le gribouillis sur le banc d'un amphithéâtre d'université et une fresque murale, dégageant un onirisme démentiel par instant. "Le chat du rabbin" fait partie de ses œuvres qui se nourrissent de l'épure et de la sensibilité que met le dessinateur dans les différents aplats de couleur pour enrichir le fond, tant en niveau émotionnel que réflexif. Bien que je n'aie pas encore tout explorer de son travail, ce qui frappe jusqu'à présent est la constante d'un thème, à savoir: faut-il renoncer? Que ce soit dans l'humour, le drame ou l'évasion dans les rêves, la plupart de ses créations orbitent autour de la question du renoncement.
Une fois de plus, "La Synagogue" n''y fait pas exception puisqu'il y est question des propres doutes de son auteur. Trois problématiques entravent la marge de cette œuvre, en faisant une "BD méta", à l'instar de "Maus" vis-à-vis de Art Spiegelman, à savoir, d'une part: 'mon travail reflète-il la vérité de ce qui vivent et subissent les personnes d'origine juives (et plus largement les sémites) au quotidien? ' D'autre part: ' Est-il possible de représenter la trajectoire de la destinée du peuple juif?' Et enfin: ' L'art peut-il se substituer à la violence?'...
Et ce qu'il y a d'incroyable c'est que le naturel de son auteur parvient, une fois encore, à venir à bout des tensions générées par la gravité des polémiques qu'il aborde. A savoir que ce qui parsème l'œuvre de Sfar est contenu dans cette référence à l'Ancien testament, et qui est une notion théologique pas assez citée: "Le cœur du Pharaon fut endurci". Et Sfar de répondre: "Le monde a eu le cœur dur. Aucun drame ne se ressemble. Mais il ne faut pas avoir le cœur dur."
C'est peut-être ce qui me plait dans son travail: une forme qui épouse le fond. Quand une problématique ancrée dans un certain contexte et, ou, milieu finit par rejoindre les questionnements d'ordre universel.