Roger Rabbit est un film fondé presque exclusivement sur le paradoxe: paradoxe entre le cinéma de l'Enfance et celui dit "sérieux". Cinéma de la modernité versus cinéma classique. Animation versus film en prise de vue réelle... Comme dans le reste de la filmographie de Robert Zemeckis, le sens global de l'œuvre ne se révèle que par couche successive, par jeu de poupées russes emboîtées les unes dans les autres (pléonasme).
Tout d'abord, il ne s'agit ni plus moins que d'un film méta-textuel. En effet, Roger Rabbit pose un regard nostalgique sur l'âge d'or du cinéma hollywoodien, définitivement mort durant la période d'après-guerre dans laquelle s'inscrit le récit.
Ensuite, le film contient un message résolument humaniste et appelant à la tolérance, sous couvert d'humour. Il faut avoir en tête les sous-entendus et les multiples références à la ségrégation raciale de même qu'à l'exploitation teintée de condescendance des personnes de couleur dans le monde merveilleux du show biz' pour comprendre la condition des Toons, dépeints comme infréquentables sauf pour ceux qui cherchent une occasion de rire.
Enfin, il convient de connaitre les codes du film noir pour percevoir la malice avec laquelle Zemeckis les déconstruit un à un: le détective à la mine renfrognée et taciturne qui se révèle être un grand comique, le coupable présumé qui à l'inverse d'un héros classique garde toujours la banane et ne prend visiblement pas la peine d'être discret ou encore la femme fatale, que tout désigne comme une créature mal intentionnée et vénéneuse qui se révèle être une épouse aimante prise dans l'engrenage. Bref, avec une joyeuse subversion permise par le genre fantaisiste et méta-textuel par excellence qu'est le cartoon, Roger Rabbit s'avère être un hommage géant à l'Histoire du Cinéma de même qu'un divertissement transgénérationnel.