Ha je me doutais bien que Larcenet aurait tôt ou tard recours à ce genre de facilité pour terminer son histoire : rien de tel qu'une révélation choc à la dernière page quand l'histoire ne raconte rien et qu'il faut bien donner envie au lecteur d'acheter le prochain tome. C'est un peu comme les séries : souvent, les auteurs n'ont pas assez de matière pour tenir les 10 ou 20 épisodes, du coup, ils étirent l'intrigue ici et là et terminent toujours les épisodes par une révélation de ce genre pour créer de la dépendance. Ce n'est pas un procédé nouveau, mais ce n'est pas un procédé que j'apprécie non plus.
Niveau histoire, Larcenet n'a pas vraiment l'air de savoir où il va. Beaucoup de séquences n'ont que peu d'intérêt par rapport à l'histoire. Les recoupements avec le présent sont toujours aussi maladroits et/ou redondants ou au contraire, cela permet de faire avancer les choses brusquement, sans rien approfondir. La présence de ces deux policiers me paraît toujours aussi peu pertinente, mais ça permet tout de même à l'auteur de créer un fil conducteur à cette histoire totalement décousur. C'est ce que je reproche ne général à ce genre d'histoire en flashback : on s'aperçoit au fil des pages/minutes que l'intrigue part dans tous les sens et que seul le fait que quelqu'un raconte son histoire peut permettre de tout lier.
Le récit n'est pas complètement mauvais non plus : il y a cette amitié avec l'autre fou, ou encore cette passion entamée avec Carole qui amènent de la matière, mais ça reste assez pauvrement exploité au final. La personnalité du héros m'a semblé différente des premiers tomes, ce qui donnen encore plus l'impression que l'auteur ne sait pas ce qu'il raconte. Mais au moins, le personnage paraît un peu plus solidement construit. Les dialogues aussi sont un peu plus soignés, mais le tout reste quand même assez anecdotique.
Niveau graphisme, Larcenet continue de s'améliorer... au point de régresser ! Pourtant ça démarre bien avec un minimalisme très audacieux (mais pas nouveau), qui fait plaisir. J'ai pensé à la technique du monotype, à la gravure, à la sérigraphie et au travail de DeCrécy en lisant cette BD. Les rares cases plus détaillées font plaisir, donnent une impression de contemplation agréable (dommage qu'il les répète si souvent, mais c'est un truc qu'il traîne depuis au moins "Le combat ordinaire"). Malheureusement, petit à petit, les détails affluent, les canons changent encore pour être de plus en plus réaliste. Et à la fin, les pages, ça ressemble à une grosse tambouille indigeste : quelques cases minimalistes, mais beaucoup qui s'avèrent pleines de détails inutiles, rendant la lecture moins aisée, moins évidente. C'est un changement graphique brutal que je ne parviens pas à expliquer.
Ha, je précise que ce que j'ai eu entre mes 'mains' est la version numérique que l'on reconnaît au fait que les tons sont passés du gris au sépia... et je dois dire que c'est une bonne chose, le sépia amène plus de profondeur au dessin que les simples valeurs de gris.
Bref, l'album comporte encore quelques bonnes idées et quelques très beaux dessins, mais la pauvreté narrative et les défaillance graphiques font qu'il s'agit là, pour l'instant, du moins bon album de la série.