Larcenet présente ici son propre personnage d’auteur de bande dessinée. Gros anxieux du quotidien, Manu déménage à la campagne avec Mariette son amie.
Les branchements de son ordinateur constituent ses premières connexions avec son « nouveau monde ». Car c’est bien de ça dont il s’agit ici, découverte d’un environnement nouveau, et de la rupture entre deux mondes, d’un côté la campagne et de l’autre la ville. Le ton grinçant qu’utilise Larcenet pour évoquer des clichés du quotidien en rase campagne fait mouche à chaque coup : le maire arriviste, la vieille autochtone, le proprio pas très causant mais qui paie son coup à boire à l’occasion (le versement des deux mois de caution), les chasseurs sur le qui-vive, les bûcherons, et autres figures très « locales ». L’auteur fait un violent réquisitoire du citadin moyen, qu’il voit comme un être « trop civilisé », incapable de s’adapter à un milieu champêtre et dépouillé de toute technologie.
Les autochtones sont vus comme des espèces de bêtes sauvages, avec il est impossible de cohabiter (« J’pourrai pas ! » hurle le frangin de Manu à la vue du proprio Monsieur Henri à la fenêtre de sa chambre) ; pour « survivre », le citadin s’attache à recouvrer ce qui faisait « sa vie d’avant », ce qui constituait en quelque sorte son identité urbaine : « la nuit de la pub sur Canal+ », les nouvelles sur le blog et autres connexions internet, la télé, etc.
Mais, petit à petit, Manu se prête au jeu, trouve ses habitudes (la boulangerie est chouette et la boulangère aussi) et s’y fait par la force des choses (pas le frangin de Manu, incorrigible citadin, qui va jusqu’à prendre un silot à grain pour un « Virgin Mégastore »).
Tout ce propos est « dit » à travers un trait léger, simpliste en apparence, bien que réduit à l’essentiel en réalité. Un dessin à l’humour irrésistible qui respire la sympathie contagieuse.