Découvert en flânant dans une Fnac, sur une étagère coincée dans une masse d'Otakus se goinfrant de mangas à l'oeil, j'ai tout de suite été attiré par ce titre qui sortait du lot des éternels histoires de Super-Héros qui pourtant placent la barre très haut.
Publiée pour la première fois par Marvel au U.S. en 2006 et édité en France par Delcourt (collection Contrebande) au format original relié avec couverture en carton, la série est signé par Ed Brubaker (Batman, Daredevil, Captain America...) en collaboration avec Sean Phillips (7 Psychopaths, Marvel Zombies...) pour les dessins.
Criminal relate donc au fil de ses opus, les destins, croisés ou non, de malfrats dont les actes, aussi violents soient-ils, trouvent toujours une motivation et une justification. Et c'est là où réside la grande force de la série, de par son écriture à la fois intelligente et subtile, s'approchant parfois de ce qu'on peut trouver dans une série comme The Shield (sans la pression entre chaque épisode car ce n'est pas un format TV), Criminal nous fait suivre à chaque tome un protagoniste différent oeuvrant dans la même région (mais pas forcément à la même époque) que ceux des autres volumes.
On est donc amené à croiser des personnages récurrents ou ponctuels apparaissant tout au long de la série, apportant une cohérence énorme à l'univers.
Quant à l'ambiance, un fond de polar des années 80 saupoudré de scènes d'actions n'ayant rien à envier à celles de Heat et porté par des teintes à la dominante bleu-nuit pour aller jusqu'à l'ocre dans certaines phases. C'est un vrai régal de tourner une page et de tomber sur des planches dont la composition, la mise en page, le dessin et la mise en couleur sont proches de la perfection.
Ce qui marque le plus à la lecture, c'est la montée en puissance entre chaque épisode. "Lâche !", le premier, n'éblouit pas forcément, mais fait vraiment office de prologue à cet oeuvre, posant l'univers, le type de narration, certains personnages et leurs psychologies, et au final, on se retrouve face à quelque chose de bien (pas forcément exceptionnel) mais qui remplit son contrat en proposant un polar/action au dessus de la moyenne.
Ce n'est qu'en achevant le deuxième, "Impitoyable", que l'on comprend vraiment où Brubaker veut nous emmener et c'est avec un immense plaisir qu'on le suit. L'aspect psychologique des divers acteurs prend encore plus d'importance et leurs "backgrounds" sont distillés avec brio, donnant sans cesse l'envie de continuer.
"Morts en sursis" et "Putain de nuit !", respectivement troisième et quatrième tomes, ne font que confirmer la qualité de cette série où le cross-over est roi et où l'auteur se permet d'insérer quelques histoires à la manière de nouvelles, apportant une fraîcheur indéniable.
L'introduction du tome 2, qui est en fait une lettre de Frank Miller (ah oui quand même) pour Brubaker, résume très bien l'atmosphère de Criminal : "Et puis l'histoire commence à partir dans tous les sens, et la simple affaire de vol tourne à l'étude de personnages, et le grand costaud, en fait, est bien plus qu'un grand costaud" et se termine par "Tes trucs sont carrés, et merveilleusement désespérés. Mieux encore, ils ne cherchent pas à dissimuler ce qu'ils sont, ni à s'excuser de l'être."
Bref, en attendant le tome 5 déjà publié aux Etats-Unis, je vous invite à découvrir cette merveilleuse série maitrisée, pour l'instant, de bout en bout, et dont l'écriture et la plastique se situent à des années lumières de ce qu'on trouve dans les séries/polars d'Hollywood.
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