Avant d'être un diptyque réalisé par Toshiya Fujita avec la sublime Meiko Kaji dans le rôle-titre (connue également pour son personnage de Scorpion dans la saga du même nom), "Lady Snowblood" était un manga écrit par Kazuo Koike (scénariste autre autres des "Baby Cart") et illustré par Kazuo Kamimura, publié une première fois sous forme épisodique dans le magazine "Weekly Playboy" avant d'être regroupé en trois tomes en 1973.
Dans la plus pure tradition du chambara pour adultes, "Lady Snowblood" baigne sans cesse dans le sang et le vice, contant la destinée tragique d'une jeune femme née dans le seul but de venger ses parents, lâchement assassinés par des voyous sans scrupules. Tournant autour d'une vengeance implacable, le récit est constitué d'une multitudes d'épisodes plus ou moins courts, afin de coller à son premier mode de publication journalier.
Formellement à tomber à la renverse, grâce au sens du cadre d'un Kamimura donnant naissance à des cases d'une beauté fracassante rappelant les estampes japonaises, "Lady Snowblood", s'il pourra paraître répétitif sur la longueur, est un mélange fascinant de violence stylisée et d'érotisme exacerbé (on frôle plus d'une fois le porno), d'une poésie de chaque instant, ancré dans un contexte politique et sociologique passionnant, le manga étant avant tout une critique amère et féroce de l'histoire japonaise et du machisme qui la domine.
Hantée par la présence à la fois sensuelle et vénéneuse d'une héroïne glaciale et délicieusement ambigüe (la demoiselle n'hésite pas à dézinguer quiconque ralentit ses projets), "Lady Snowblood" est une saga à lire impérativement tant elle demeure riche et foisonnante, même si on regrettera un épilogue clairement en trop voyant la tueuse à gage se transformer on ne sait trop pourquoi en figure héroïque de la lutte populaire contre un régime militariste.