Comment ce Mathieu Laufray a-t-il pu passer à travers mes radars aussi longtemps ? C'est la révélation graphique de la semaine, voire du siècle, si je me laisse aller à un peu d'enthousiasme débridé. Voilà un type de mon âge qui cumule le talent d'un bon milliard de dessinateurs amateurs à lui tout seul, et ça n'est pas le cahier graphique qui conclue l'intégrale somptueuse que je viens de refermer qui pourrait me convaincre que j'exagère. Parce qu'il est doué en tout, le gars, de la palette graphique au portrait à l'huile. Je me suis embarquée dans cette histoire de pirates avec grande insouciance, disposée à subir patiemment le jargon maritime et les tournées de rhum éclaboussées de blagues grasses, mais surtout, sans m'attendre le moins du monde à me retrouver embarquée avec tant de brio par tous les personnages secondaires admirables qui se sont animés sous mes yeux. Et voilà qu'à la fin de l'intégrale, le rôle-titre avait pris une envergure mythique et était entré comme une tornade au panthéon de mes héros préférés! Je n'en reviens toujours pas. Ajoutons à tout cela des cadrages d'enfer, des décors somptueux, des ombres d'une rare densité, des couleurs subtilissimes, des physionomies délectables, une peinture de mœurs millimétrée, une jungle métaphysique à souhait, des revirements ébouriffants et un souffle carrément épique, et vous comprendrez aisément la secousse que je viens de recevoir.