Le Brouet sapide - Abraxas, tome 1 par Sejy
Les auteurs vous convient dans leur cauchemar : bienvenue à Abraxas, « sympathique » bourgade hors du temps. Ses rues sombres et lugubres, bordées de maisons dont les façades semblent vouloir engloutir les passants et parcourues de cucurbitacées vivantes, assassins en série à la recherche de nouvelles victimes. Ses pluies acides qui rongent et gangrènent les faciès et les membres des habitants les plus imprudents. Ses récréations : le manège de monstres de foire du docteur Makabr ou les représentations du grand Mordhom, célèbre magicien cultivant de secrètes allégeances aux puissances occultes. Et enfin ses « trappes » qui, dans la légende, offriraient un accès aux entrailles de la Terre et déverseraient une fois l'an tout un lot de créatures venues d'un autre monde. C'est Halloween toute l'année !
Vagabondant de l'enquête policière au récit fantastique en passant par l'épouvante, le glauque et la sorcellerie, Corbeyran nous gratifie, encore une fois, d'un scénario efficace et divertissant. Cependant, il est partiellement éclipsé par la majesté d'un graphisme qui donne toute sa dimension à l'œuvre. Une plume distinctive et éblouissante avec laquelle le virtuose Alfred anime de disgracieuses marionnettes, dans un théâtre fantasmagorique inquiétant. Des personnages aux corps estropiés, aux visages difformes qui instaurent un sentiment de malaise dès les toutes premières pages de l'album. Tout un univers personnel et surréaliste à l'atmosphère malsaine, dérangeante, qui exerce, malgré tout, un pouvoir de fascination étrange. Un attrait hypnotique encouragé par l'esthétisme des images. Des décors somptueux, des cadrages intelligents, des contrastes magistraux, une maestria de l'artiste pour rendre beau ce qui ne l'est pas. Probablement mon dessinateur préféré.
Une série aux accents Burtoniens plus qu'évidents. Si, tout comme moi, vous adorez le cinéaste, vous aimerez Abraxas, sinon... vous aimerez quand même.