Au crépuscule de l'âge d'or de Lucky Luke, le Cavalier blanc s'inscrit dans une logique que l'on peut rapprocher de Western Circus, sorti 5 ans plus tôt. En effet, le tandem Morris Goscinny explore des sujets far west connexes au fantasme européen - en quittant les classiques desperados, attaques en tout genre, guerres indiennes - pour s'intéresser au cirque ou encore au théâtre. Ceci permet de donner un second souffle à la saga tout en visant à donner de l'épaisseur à l'univers.
On retient de Western Circus la grande confiance voire l'apaisement que Lucky Luke rencontre avec la troupe de cirque. Ici, le héros montre dès son retour à Nothing Gulch (son foyer inavoué?), une entente rare avec un autre personnage, en l’occurrence Hank Wallys - pour lequel Lucky travaille (ou rend service) - propriétaire d'un ranch. Aux planches 5, 10 et 43, les deux se battent et se balancent des trucs à la figure comme des gamins d'enfance ! Cela rappelle vraiment un autre classique de Goscinny avec le village gaulois qui se met dessus à la moindre occasion.
Cependant, le Cavalier blanc est plutôt monté comme un "thriller" avec une troupe qui ne lui veut pas que du bien. A ce propos, à la différence de Western Circus, la couverture de cet album est très trompeuse : a/ Lucky Luke n'est pas du tout à l'aise lorsqu'il faut jouer la comédie, b/ Jolly est mort de rire or la pièce jouée est plutôt dramatique, c/la jeune Gladys Whimple n'est pas franchement in love (ou sinon on le saura jamais). Lucky Luke prouve une nouvelle fois que c'est davantage un faiseu qu'un diseu dans la vie.
Pour le côté thriller, l'impression est renforcée avec un procédé bien connu chez Alix, à savoir le "cliffhanger" de bas de page droite. Dernières cases planche 9 : "La banque a été attaquée!", planche 14 "On vient d'attaquer le bureau de la mine !!" puis 33 "On a attaqué la caisse des éleveurs !!".
L'effet de surprise fonctionne bien mais ce qui pêche dans cet album c'est le manque de profondeur de la troupe et globalement le fait que les personnages sont ratés dans l'ensemble. Ni drôles, ni charismatiques, ni méchants, ni vicieux. Ils sont en représentation permanente, et au lieu d'être de bons intermittents du spectacle, c'est le spectacle qui est en pointillé dans cet album.
Un très bon Lucky Luke himself mais qui ne sauve pas l'album.
Dans deux albums post-Goscinny, les repreneurs ont retenté le théâtre au far west avec Sarah Bernhardt et La légende de l'Ouest, avec encore moins de réussite. A croire, qu'au western, il ne faut pas changer une équipe qui gagne : Durango (1981) et Jusqu'au dernier (2019) pour ne citer qu'eux...